L’école obligatoire dès 3 ans ? Telle est l’idée de la fondation Avenir Suisse. Il s’agirait de mettre à profit l’«inégalable potentiel d’apprentissage » des tout-petits, et l’idée fait froid dans le dos. Xavier Comtesse, vice-directeur, précise qu’une scolarité précoce serait bénéfique aux enfants des milieux défavorisés – entendez que l’apprentissage scolaire compenserait la misère intellectuelle de leur famille. C’est réduire l’enfant à un cerveau, et le cerveau à un ordinateur. La panne est donc programmée.

Car l’enfant n’est pas une machine à raisonner, mais un être qui apprend à vivre, c’est-à-dire d’abord à ressentir et à interagir avec ses semblables. Avenir Suisse ne mentionne guère l’affectif dans son projet. Son but n’est pas d’élever des jeunes gens équilibrés, motivés et bien dans leur peau, mais d’améliorer le classement international de la Suisse (17e rang de PISA 2000, quelle honte !)

Mais même ce but quantifiable sera mieux atteint si on renonce à forcer les enfants à savoir lire et compter avant 5 ans. Ce serait leur faire exercer, voire hypertrophier, un muscle avant qu’il soit formé; or ils ont besoin de développer d’abord d’autres facultés pour pouvoir ensuite utiliser au mieux leur intellect. Les sciences de l’éducation montrent combien les étapes de la petite enfance sont déterminantes pour l’épanouissement de la personnalité. La force d’une société en dépend davantage que de ses diplômes précoces.

Alors, pas d’école à 3 ans, mais qu’Avenir Suisse généralise les jardins d’enfants accessibles à toutes les bourses, afin que la Suisse offre à tous les petits la meilleure socialisation possible et les chances de se développer harmonieusement, à leur rythme naturel, loin d’un mécanique bourrage de crâne prématuré, illusoire gain de temps, véritable perte de créativité.

Jacques Poget
Initialement publié le 23.04.2002 comme Editorial dans le quotidien 24-heures
puis re-publié dans la revue «La Vie de l’Ecole» de la St-Jean 2002, avec l’aimable autorisation de l’auteur.