Le 27 septembre, les Vaudois ont adopté l’initiative pour une école à horaire continu, qui oblige les communes à organiser un accueil parascolaire surveillé, facultatif pour les familles. Les Genevois vont bientôt se prononcer sur un texte similaire, contre-projet d’une initiative signée par 12.000 personnes. Mais en quoi consistera l’accueil ?
Interview de Barbara de Kerchove, présidente de l’Association vaudoise des parents d’élèves (apé-Vaud).

 – Le 27 septembre, les Vaudois ont adopté l’initiative pour l’horaire continu, qui oblige les communes à proposer un accueil parascolaire entre 7 h 30 et 18 heures. Votre communiqué de presse souligne que c’est le début d’un grand chantier, comment allez-vous le suivre ?

D’abord nous nous félicitons de ce résultat, qui couronne des années de travail. Pour nous, l’Association des parents d’élèves, il est important de créer un accueil de qualité. La machine est lancée, elle répond à un besoin, mais on est en train de rattraper des générations de retard en quelques années. Notre volonté, c’est qu’on élabore tout de suite une vision à long terme, qu’on ne commence pas en bricolant des solutions pour s’apercevoir dans quelques années qu’elles ne tiennent pas la route. Il faut que la réflexion soit centrée sur les missions. Obtenir la reconnaissance de la nécessité de ces structures d’accueil, c’est une chose, se mettre d’accord sur la définition et les missions de l’accueil en est une autre.

– Avez-vous des craintes que l’accueil se réduise au minimum, au détriment des enfants ?

Des structures ont déjà été mises en place depuis l’adoption de la Loi sur l’accueil de jour des enfants (LAJE) en 2006. C’était encore facultatif, ça va devenir obligatoire, mais la machine est déjà en place. Une Fondation, la FAJE, organise le soutien financier que le canton apporte à l’accueil de jour en général. Pour bénéficier de subventions, les crèches, garderies, unités d’accueil doivent intégrer un réseau et respecter une série de conditions. Des communes qui n’avaient pas d’infrastructure ont ainsi pu intégrer des réseaux, mais au prix d’un gros effort financier. Pour certaines petites communes, les dépenses dans ce domaine ont été décuplées d’une année à l’autre. Je n’ai pas peur qu’elles veuillent créer des sortes de parkings à enfants, dans des locaux simplement équipés d’un four à micro-ondes, mais on n’est pas tout à fait à l’abri de solutions de facilité pour des raisons financières.

– Dans quel délai cet accueil parascolaire doit-il être mis en place partout ?

L’initiative ne le spécifiait pas. C’est le Conseil d’Etat qui va déterminer le calendrier. Notre demande est que ça ne prenne pas dix ans.

– Comment construira-t-on un consensus sur ce qu’est l’accueil parascolaire ?

Ce ne sera pas facile. Nous sommes dans deux chantiers concomitants, Harmos et l’accueil parascolaire. Il doit donc y avoir une réflexion globale sur la journée de l’écolier. Ce sera plus facile si tout le monde se met autour de la table. Là je ne suis pas trop inquiète, je crois que tout le monde est conscient qu’il faut que ça se passe dans une démarche participative. Ce qui me préoccupe un peu plus, c’est qu’on ait une vision à long terme. Jusqu’ici, dans beaucoup de communes, c’est le génie local qui a fonctionné, l’association des parents, quelques mamans sympathiques et bénévoles ont organisé une forme d’accueil, obtenu un subside de la commune. Je ne voudrais pas qu’on se contente de pérenniser ce fonctionnement-là, sans répondre aux vrais besoins d’une  prise en charge de qualité.

Tous les partenaires disent qu’ils veulent un accueil de qualité, mais tous – les parents aussi – sont-ils prêts à y contribuer, et comment ? Il faut d’abord aller jusqu’au bout de la réflexion. Et nous insistons beaucoup, à l’Apé, sur le besoin de cohérence. Les enfants doivent pouvoir bénéficier d’une cohérence dans la prise en charge. Il faut qu’il y ait un fil rouge tout au long de la journée. Ce n’est pas évident, on a affaire à des intervenants très différents qui n’ont pas trop l’habitude de se rencontrer.

– A propos de définition, est-ce que l’accueil parascolaire, c’est encore un peu l’école ?

Non, justement. On n’y pose pas le même regard sur l’enfant qu’à l’école. Mais il est important que les responsables de l’accueil, les enseignants et les parents puissent se parler.

– Y a-t-il un risque de créer un fossé entre les enfants qui sont pris en charge toute la journée et ceux qui rentrent chez eux à la fin des cours ?

C’est une préoccupation légitime. Pour le moment, ce sont plutôt les enfants qui peuvent rentrer chez eux qui sont favorisés. Créer des lieux d’accueil pour les autres, c’est viser à rétablir une égalité dont pourront bénéficier les enfants de familles monoparentale, par exemple, ou ceux de familles modestes qui doivent turbiner et faire confiance à la vie pour l’éducation de leurs enfants. Est-ce que les structures d’accueil pourraient aller jusqu’à favoriser les enfants qui les fréquentent ? C’est pour ça qu’il est important de discuter sur les missions. S’agit-il seulement de lieux d’accueil ? Auront-ils un rôle éducatif ? Un rôle de socialisation ? Il faut qu’on pose quelques éléments sur lesquels on pourra construire.

– Pour un enfant, passer la journée dans des structures collectives, de 7 h 30 à 18 h, ce n’est pas trop ?

C’est quelque chose qu’il faut laisser à l’appréciation de chaque famille. On connaît nos enfants, et je suis convaincue que chaque parent cherche à donner le meilleur. Mais il y a beaucoup de parents qui n’ont pas le choix.  C’est pour ceux-là que je me bats, pour ces mamans angoissées, qui doivent partir tôt au travail le matin, laissant leurs enfants avec 3 réveils, l’un pour sonner le réveil, le deuxième pour le brossage de dents, le troisième pour départ à l’école. Pour ces enfants-là, il vaut mieux une prise en charge parascolaire que pas de prise en charge du tout.

En même temps il faut éviter que ces structures d’accueil ne deviennent des lieux où les enfants sont tout le temps occupés. Il faut leur laisser le temps de rêver, le temps de « glander ». L’important, c’est que les parents puissent être sereins en y inscrivant leurs enfants.

Interview de Barbara de Kerchove, présidente de l’Association vaudoise des parents d’élèves (apé-Vaud) menée par Alain Maillard, et publiée dans Entr’Ecoles de l’hiver 2009