Lors de la présentation des travaux des chefs d’œuvre, les travaux de fin de scolarité pour nos élèves de 18-19 ans, le tuteur de la douzième classe, Johann Chretien, a prononcé le discours ci-dessous.

Discours d’accueil à la journée de présentation des chefs d’œuvre

L’an prochain, la pédagogie Waldorf fêtera son centenaire. C’est donc la 99° année de la pédagogie Waldorf, et pour cette nonante-neuvième année, j’ai le plaisir et l’honneur d’introduire cette journée afin que nos élèves, qui ont parcouru pour certains près de quinze années dans cette école, vous présentent le fruit de leurs réflexions, de leur réfléchissement intérieur.

Pour le centenaire de la pédagogie Waldorf, j’aimerais vous rappeler qu’il nous a été proposé, à nos pédagogues de toutes les écoles Waldorf du monde, de lire et d’analyser l’œuvre de Rudolf Steiner intitulée La Nature humaine. Cette œuvre est fondamentale dans le sens où elle pose les bases de la vision anthropologique qui nous permet d’exercer notre pédagogie. Et je souhaite inscrire cette journée dans la continuité de ce mouvement pédagogique. Notamment parce qu’au contact de ces élèves, j’ai pu observer avec attention et parfois une grande surprise, la pertinence de certaines analyses mais aussi l’évidence de certaines affirmations.

Dans cette œuvre, Rudolf Steiner nous propose d’observer les enfants, les élèves, de les caractériser et non pas de les juger. Ainsi lorsque nous observons des élèves, nous évoquons le sommeil ou l’éveil de l’esprit, la respiration ou la digestion… toutes ces actions du corps physique qui nous permettent d’être à l’écoute de qui en eux cherche à se manifester. Ainsi lorsque nous rencontrons un élève dont les facultés intellectuelles sont faibles, nous ne cherchons pas à dire « il est stupide! » mais plutôt à le caractériser en disant que son esprit est endormi ou rêveur, et notre geste pédagogique n’est pas de l’assommer par des connaissances et des méthodes qui renforceraient son intellectualité mais plutôt à chercher à éveiller ce qui en lui sommeille de façon artistique, par le mouvement, par l’observation de la beauté dans le monde, de la beauté dans l’art, de la beauté dans l’homme, nous cherchons à leur faire pratiquer des gestes qui éveillent leur corps, leur âme, leur esprit afin qu’ils puissent devenir eux-mêmes, pour que le germe d’eux-mêmes puisse fleurir en toute liberté. Tâche ardue, parfois ingrate mais tellement motivante et gratifiante au final!

Le trajet d’un élève dans une école idéale se fait du jardin d’enfants à la 12° classe. Dans l’idéal… Un certain nombre d’élèves choisissent de ne pas poursuivre jusqu’en 12° classe, Un certain nombre de parents choisissent de ne pas poursuivre jusqu’en 12° classe, le projet pédagogique ne correspondant pas à leur motif intérieur.

Mais quel est-il ce projet pédagogique? quelle est sa dimension spirituelle? je vais tâcher d’esquisser brièvement, en l’illustrant à l’aide d’une analogie, le projet de la 12° classe, le chef d’œuvre ou le T12 comme certains l’appellent, celle de la 12° lame du tarot de Marseille, la douzième lame majeure, celle du pendu. Pieds et poings liés, la tête vers le bas, cette carte qui symbolise la gestation, la réflexion sur soi-même, elle représente une période de méditation et d’attente. Le personnage représenté est entravé dans ses mouvements, il ne peut ni bouger les mains, ni bouger les pieds, le mouvement est intérieur. C’est un moment d’épreuve, de mise au monde: le pendu est rattaché à l’arbre généalogique par un mince cordon qui n’est pas sans rappeler le cordon ombilical, qui sera bientôt coupé pour que l’âme, l’individu puisse s’incarner, se développer. Le pendu est une carte de réflexion sur soi, d’étude, de rétrospective, de méditation.

Pendant toute cette année, j’ai pu observer les mouvements intérieurs qui ont brassé les élèves de la 12°. Et je suis persuadé que chacun a connu ce processus d’entrave, d’immobilité si difficile à accepter, surtout aujourd’hui, à une époque où tous les mouvements s’accélèrent, où tout arrive de façon simultanée et où il est difficile de faire le tri pour se retrouver en soi malgré toutes les stimulations du monde extérieur. J’ai accompagné ces élèves du mieux que j’ai pu et pour accompagner ces élèves, je n’étais pas seul, j’étais entouré d’une équipe de professeurs, les professeurs des grandes classe et j’ai été entouré d’une belle équipe de tuteurs dont les qualités d’âme, les qualités d’écoute ont pu permettre le bon déroulement de ces travaux. Je remercie sincèrement Alain Klockenbring, Line Bachman, Sibylle Naïto, Mohamed Baba et Anke Wolf. Je remercie aussi les parents qui nous ont fait confiance tout au long de ces années, qui ont eux aussi traversé des épreuves, pénibles parfois, joyeuses aussi. Et j’espère que cette journée vous apportera de la joie et du bonheur.

Pour les autres parents, les élèves, les professeurs, anciens parents, les anciens professeurs, je vous souhaite une belle journée, pleine de vérité et de sincérité d’âme, qualités fondamentales que possèdent tous chacun des élèves que vous allez voir aujourd’hui.

Présentation des travaux de la douzième classe sur le site internet de l’école

Programme de la journée du 16 juin 2018

La douzième lame du tarots, le Pendu, utilisé comme métaphore pour les chefs d'œuvre de la douzième classe, un moment d'entrave qui n'autorise plus que le mouvement intérieur.

La douzième lame du tarots, le Pendu, utilisé comme métaphore pour les chefs d’œuvre de la douzième classe, un moment d’entrave qui n’autorise plus que le mouvement intérieur.