Les formes, la symétrie, la droite ou la courbe sont présentes dans l’enseignement dès le premier jour d’école, mais la géométrie en tant que matière séparée du dessin de formes apparaît dès la sixième classe lorsque les élèves ont environ 12 ans et entrent dans le pré-puberté.

Comment enseigner l’enfant à cet âge ? Que doit contenir une leçon idéale ? Un des principes par lequel le maître de classe se laissera guider est qu’une leçon doit être équilibrée. On doit s’adresser à l’être entier de l’enfant, à son sentiment, sa volonté, sa pensée. C’est seulement si on peut atteindre le sentiment de l’élève qu’il se liera au sujet et sera amené à s’impliquer par sa volonté dans le mouvement, dans l’acte, et seulement s’il sait exercer sa volonté que sa pensée s’éveillera et s’élargira de manière saine.

La géométrie commence au fond avec les premiers pas du petit enfant, lorsqu’il commence à intégrer l’espace. Elle est présente dans les comptines qui impliquent des jeux de doigts, dans les nombreux jeux de cercle ou encore dans les leçons de gymnastique, dans l’eurythmie, dans le dessin de formes, dans l’activité rythmique du matin et lorsqu’un enfant apprend à jouer du pipeau.

Les premières périodes de géométrie reprennent ces expériences corporelles en traitant des sujets comme les transformations géométriques tel que les symétries axiales, centrales, la rotation ou encore les équivalences d’aires. En s’appuyant sur les nombreuses expériences vécues dont l’enfant a plus ou moins conscience, cette démarche diffère évidemment beaucoup d’une démarche purement logique, qui à partir du point, de la droite et du plan sait bâtir un édifice dans laquelle chaque pierre soutient la suivante.

Les différentes symétries sont un sujet qui se prête particulièrement bien à cette première rencontre avec la géométrie. En deuxième classe, l’enfant exerce déjà son sens de l’équilibre par le dessin de symétrie. Il peut être thérapeutique pour l’élève rencontrant des difficultés de latéralisation, qui ne sait pas très bien s’orienter par rapport à l’axe sagittal, qui ne distingue pas nettement gauche et droite. La symétrie est donc un thème qui se prête particulièrement bien au passage du dessin de formes à la construction géométrique.

La symétrie est un sujet de l’enseignement non seulement parce qu’elle est accessible, mais parce qu’elle est profondément enracinée dans la nature humaine. Notre squelette a une symétrie axiale. Et notre vie d’être humain se joue dans la symétrie et l’asymétrie.

En sixième ou septième classe, on ne l’abordera plus seulement comme on l’aura fait pour le dessin de formes, d’un point de vue d’équilibre, de proportions et d’harmonie. Après avoir construit une figure symétrique précise à l’aide de la règle et du compas, les élèves constateront qu’à l’évidence les longueurs des segments, les angles et les surfaces sont conservés par la symétrie, mais que le sens de l’orientation change.

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En traitant par la suite la symétrie centrale, ils constateront que le sens de l’orientation y est conservé. Cette habitude de considérer la construction, de faire des observations, de comparer sont les tous premiers éléments qui leur permettent de faire l’expérience de la pensée. En négligeant de cultiver cette réflexion, on créera des rêveurs; en l’exerçant on demandera au jeune de s’éveiller.
Après ces premiers constats qui s’imposent, et après avoir peut-être, en passant, élucidé de plus près les termes rencontrés comme l’angle, le segment, le point, la droite, on trouvera de multiples possibilités pour approfondir le thème.

Nous pouvons par exemple rapprocher la figure de l’axe, la faire disparaître et la faire réapparaître de l’autre côté. Un exercice qui demande de la mobilité intérieure, une capacité de faire bouger la figure en entier et de ressentir sa transformation ainsi que le chemin qu’elle parcourt.

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Ou alors, on examine ce qui se passe lorsqu’un des points est situé sur l’axe ou lorsque l’axe coupe la figure. Pour un certain nombre d’élèves, l’axe (qu’ils se représentent comme une sorte de miroir) ne peut être que vertical. Ils restent d’abord figés dans cette position et essaient de la recréer lorsque l’axe est penché, ce qui évidemment détruit la symétrie. Ils oublient que les points se déplacent sur la perpendiculaire à l’axe. Petit à petit, en prenant conscience de l’erreur, les élèves développent le regard et la faculté d’imaginer le mouvement d’une figure, de la retourner, de la faire pivoter et d’en percevoir les conséquences.

Cette faculté est nécessaire pour pouvoir inscrire les axes de symétrie dans des figures usuelles.

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Plusieurs élèves inscriront aussi des axes dans les figures suivantes. Ils nous communiquent de nouveau que leur mobilité intérieure a encore besoin d’être stimulée et qu’il leur faudra plus de temps.

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La question peut être inversée. On pourra demander d’esquisser tous les quadrilatères qui ont exactement deux axes de symétrie. Ou de tracer la figure géométrique qui a exactement trois axes ou celle qui a une infinité d’axes. Cette démarche stimule fortement l’imagination de l’élève et sa motivation à devenir actif intérieurement.

Les élèves les plus éveillés veulent exercer leur force intellectuelle. Ils pourront s’affronter au fameux problème du billard qui consiste à déterminer le parcours de la bille si elle doit toucher le bord une, voire deux fois (y a-t-il une construction possible pour trois touches ?) avant d’entrer dans le trou.

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Bien sûr, le thème pourra être repris plus tard lorsque la symétrie centrale et la translation auront été traitées. On examinera les symétries successives et leur lien avec la rotation.

Aura-t-on par cette démarche fait appel à l’être entier ? Aura-t-on des chances de le toucher, de le mettre en mouvement et de stimuler son éveil ? A vous, cher lecteur, de juger en attendant la suite dans le prochain bulletin de la VIE DE L’ECOLE.

Andreas Niedermann
publié dans la revue La Vie de l’Ecole de la St-Jean 2001