Cela commence par un rêve
dans lequel nichent plein d’envies :
un pont de corde, un toit tressé, des triangles à l’envie
des panneaux en coenneaux.
C’est beau, dessiné au tableau !

Soudain cela prend vie, dans les cahiers d’enfants,
ça se discute en pieds, en coudées, en empans.
Ça se questionne dans les soirées de parents,
ça surprend.
Ça se redimensionne avec Jaime l’architecte
ça se dispute en lignes imaginées dans chaque tête.

Ça se matérialise très tôt
avec, de scieries et quincailleries, les cadeaux :
cordes, poutres et vis,
la classe et le parking envahissent.

Et, une fin de semaine, ça prend racine.
Les premières poutres s’alignent
grâce aux volontaires qui
scient, creusent, bétonnent sous la pluie.
On transporte, coupe, lime des troncs,
on choisit, transporte, tisse des joncs.
Tous participent, les parents de la troisième, les enfants aussi,
avec Françoise Burger et Jaime Company,
apportent leur contribution
et plantent les fondations.

Puis, dès le mardi, les élèves prennent le relais :
Aux Grands, l’assemblage de la structure solidement ancrée,
le levage des lourds poteaux,
aux Petits, les autres travaux :
protections latérales avec des troncs droits,
tissage des panneaux pour le toit.

Alors, le samedi revenant,
Voici les parents vers l’école se précipitant,
pour consolider la base, monter les planchers,
fixer une échelle vers l’étage élevé,
tandis qu’à force de patience et d’endurance,
les panneaux tissés prennent bonne apparence.

Enfin, au troisième samedi,
le toit de la tour se dresse droit comme un i
et la cabane de coenneaux se vêtit.
Tous auront un coin à l’abri de la pluie !
Les parents à cet échange ayant pris goût
pourront venir y discuter peu ou prou.

Pour les enfants de troisième, cette construction,
de fournir de gros efforts et de prendre racine, est l’occasion :
porter des troncs, des sacs lourds,
les faire rouler avec un bruit sourd.
Confronter sa force à la brouette,
ou son endurance, à couper les tiges de saule qui fouettent.
Leur curiosité est émerveillée
en voyant fonctionner
la pelleteuse, la bétonnière, la tronçonneuse,
la scie sauteuse, le vibreur, la perceuse.
Ils se réjouissent de chaque élément achevé,
et, par leurs jeux, ils ont vite fait de l’ apprivoiser.

Postscriptum :
La construction s’inscrit en 3ème. L’enfant y travaille sur la maison, représentation de son corps. En ancrant profondément ses bases, il puise des forces, en construisant un bon toit, il se protège. Ce contact à la terre, complété par le travail à la ferme, l’installe dans le durable. Il apprend à façonner la matière et, après avoir visité boulanger, menuisier et luthier, devient à son tour artisan.

Pour les grands, à travers cette période, se joue la collaboration avec les petits, que l’on aide à grandir et qui en retour vous paient d’admiration. C’est une mise en perspective intéressante pour des élèves sur le point de quitter l’école. En transpirant sur ces troncs, ils prennent conscience de la valeur d’une construction, de sa durabilité qui mérite le respect. La cabane avec ses triangles qui s’emboîtent, matérialise les formes géométriques qu’ils ont apprises. Ils sentent au bout de leurs bras le déplacement du centre de gravité des poutres d’un poids bien réel (près de 60 kilos chaque poteau) qu’il faut lever et fixer.
Pour les parents, malgré les nombreuses occupations qui les attendent, c’est un moment mémorable passé ensemble, riche de découvertes, d’efforts, de partage qui, à mon avis, contribue à souder la classe et crée des souvenirs communs.

Françoise Kaestli
publié dans la revue «La Vie de l’Ecole» de la St-Jean 2002