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Une libellule: pour des peuples amérindiens elle symboliserait la duperie des sens: ses ailes scintillantes ont un effet magique, ce qui devrait nous donner à réfléchir sur la réalité apparente de notre monde.

L’an dernier, Philippe Perenes est venu rencontrer le Collège de l’école durant la prérentrée afin de présenter ses recherches et de faire travailler les éducateurs, enseignants et autres membres de l’école sur les sens de l’homme. Durant ce travail, nous avons alterné le travail entre expérimentation individuelle ou collective de certaines perceptions sensorielles et quatre moments d’exposés descriptifs et théoriques; Frédéric Faes, professeur à l’Ecole Rudolf Steiner de Lausanne, nous livre ici les notes qu’il a prises à cette occasion.

Premiere matinée

Depuis 15 à 20 ans il y a eu un très grand changement dans le développement sensoriel chez beaucoup d’êtres humains, voire dans toute l’humanité. La chose est encore plus forte pour la jeunesse. Le temps passé en lien avec les médias en est la cause, car ces moments ne sont pas consacrés à des activités courantes, celles où les sens sont en relation avec la réalité et donc peuvent s’affiner. Nous parlerons du développement de ce que sont ces sens, de ce dont ils ont besoin pour arriver à maturité et de leur développement constant tout au long de la vie.

Avant de se pencher sur un groupe de sens particuliers, il est important de remarquer qu’avec la perception nous sommes dans le présent. Dans la représentation, la conceptualisation ou la réflexion, notre sommes tournés vers le passé, dans l’activité, la volonté, l’agir, nous nous orientons vers le futur car c’est en vue d’un projet, conscient ou non, que nous agissons.

Les sens corporels

Le premier matin nous avons abordé les sens corporels et ce qu’ils offrent à l’être humain: le toucher, la vie, le mouvement et l’équilibre.

Le sens du toucher

C’est dans les limites de notre corps que nous vivons le toucher. La première expérience de toucher que fait l’être humain, c’est la naissance! Se faufiler, se contorsionner dans l’espace étroit du bassin pour sortir à l’air libre dont il n’a pas encore d’expérience, est la première épreuve vécue du toucher! L’intensité de cette expérience est un seuil crucial. D’ailleurs le nouveau-né ne peut supporter cette différence et retourne dans l’espace sans limite du sommeil environs 20 heures par jour. Ce n’est que petit à petit que les périodes d’éveil s’allongent tandis que le nourrisson entre progressivement dans les limites de son corps. Si nous nous plongeons dans un bain chaud juste comme il faut, la pesanteur disparaît, la sensation de l’extérieur s’efface. Il peut être alors difficile de ne pas s’endormir, les limites de notre corps effacées et notre toucher atténué ne nous maintiennent pas éveillé.

Le sens du toucher est le sens des limites du corps.

Le sens de la vie

La vie est partout: dans les mouvements du cosmos, dans le vent, dans l’air dans les nuages, dans les arbres, dans un champ de blé ondoyant sous la caresse d’une brise, dans un cristal, dans une agate et même dans le moindre caillou. Dans les végétaux il est possible d’observer des rythmes de la vie. C’est dans les espaces clos que la vie a besoin d’accompagnement pour se développer. Chez les animaux élémentaires cela se fait tout seul, mais plus les espèces évoluent plus le besoin d’attention des parents détermine la survie. Chez l’homme, la survie est n’est possible que par l’attention constante de la maman puis des parents et progressivement le cercle s’agrandit. Il n’apprend cependant à se préoccuper de sa survie que peu à peu.

Un jour d’hiver, par exemple, il ne serait pas surprenant de voir sortir du jardin d’enfant un petit en chaussons, sans veste, sans gants ni bonnet alors qu’il neige et vente, si la jardinière n’y faisait attention! Pour certains enfants, cette indépendance ne vient que très lentement.

Si un risque de «dysfonctionnement» se présente, le corps se met en alerte. Le sens de la vie a ce rôle, protéger la vie dans le corps. En lui, la vie est isolée du monde de la vie extérieure, il est donc essentiel de veiller à son entretien, et c’est le sens de la vie qui en est le gardien.

Le sens de la vie est en fait «le sens des limites de la vie.»

Le sens du mouvement

A part certaines circonstances particulières (crampes, mouvements spastiques, tics) le mouvement est lié à une intention, à un motif. Je veux boire, je prends mon verre. Je veux manger un gâteau, la suite des mouvements pour en disposer: fabriquer la pâte, l’étaler couper les fruits, etc., jusqu’à pouvoir, après suffisamment de patience le goûter, est beaucoup plus complexe mais c’est ce désir qui en est le motif et qui donne un sens à tous ces mouvements.

Est-­ce que je peux percevoir le motif du mouvement d’une autre personne? Je vois une dame passer sur le trottoir d’en face, où il y a la devanture d’un magasin de mode. Je me dis: c’est pour cela qu’elle a traversé la chaussée. C’est une supposition arbitraire car c’est peut­-être simplement dû au fait que de l’autre côté de la rue il y a du soleil!

Le motif de mon mouvement est personnel, mais en suis­je tout le temps conscient? Je veux dessiner ou peindre quelque chose. Si je sais déjà ce que sera mon œuvre, elle est totalement présente à ma conscience et je la réalise exactement à l’image de mon idée, sera-­t­-elle une réalisation artistique? Par contre lorsque je commence à placer un trait à un endroit de la feuille, il appelle une forme juste adjacente pour créer un équilibre puis un espace d’ombre au-dessous. Petit à petit apparaissent des formes, des vides, que je ne connaissais pas avant de me mettre en mouvement. C’est en relation avec la vie de mon âme que les motifs de ce mouvement naissent. Cette démarche est le propre de la création artistique.

Il est très important de permettre aux petits de développer progressivement ce sens du mouvement. L’imitation, acte inné du premier septénaire en est la source, mais il faut que les choses à imiter aient du sens.

Revenons au motif du mouvement, Il y a des circonstances où le motif est encore plus caché que dans la création artistique. Un petit exemple: Je me promène dans Berlin avec une collègue à la pause de midi pour manger quelque­chose. Il y a, en bordure de ce parc, les échoppes nécessaires et c’est un lieu agréable. Cependant la collègue me dit: allons plus loin! Il faut longer un pont, traverser un grand carrefour pour éventuellement trouver dans un complexe commercial de quoi se sustenter. Je ne saisis pas la raison de ce choix, nous avions déjà suffisamment marché ce matin-là. Voilà que de l’autre côté du carrefour nous rencontrons une amie de ma collègue qui passait là par hasard! Et le même type de rencontre fortuit avait eu lieu, lors d’un des précédents séjours à Berlin de la collègue, avec la même amie! Quel est le motif qui a engendré les mouvements pour que cette rencontre se fasse?

Si nous faisons une rétrospective des événements importants de notre vie, nous pouvons tous trouver des circonstances de ce type, ou des circonstances qui nous ont évités une catastrophe! Il est clair que certaines personnes sont plus sujettes à ceci que d’autres. Le sens du mouvement peut se développer et devenir de moins en moins inconscient.

Quels sont les motifs qui nous ont amenés sur terre?

Le sens du mouvement: c’est la rencontre entre motifs et une activités; c’est la rencontre entre ce qui vient de la périphérie et ce qui vient de nous-même. Si je suis dans la bonne rencontre, je récupère des forces. L’exercice de la rétrospective, (se remémorer le cours de la journée à l’envers) permet d’affiner le sens du mouvement.

Le sens de l’équilibre

Dans quelles circonstances prend-on conscience d’une perturbation du sens de l’équilibre? Lors de vertige, d’ évanouissement, à l’éveil d’une anesthésie, sous l’effet de l’alcool ou d’une drogue, mais aussi lors de fortes émotions, mon équilibre intérieur se trouve perturbé, mais parfois aussi, en fonction de son intensité dans mon équilibre physique! Un petit exercice à faire pour ressentir le sens de l’équilibre: Je me tiens debout, je baisse la tête, plie mon corps en avant en laissant pendre mes bras et en pliant les genoux jusqu’ à ce que mes mains soient proche du sol. Je ressens fortement le poids de ma tête, de mes membres supérieurs et, de tout mon corps, dans mes jambes.

En appuyant ensuite délicatement et de façon continue sur mes talons, je me relève progressivement. l’impression pesante de ces parties de mon corps diminue alors. Une fois la verticale retrouvée, tout mon corps est empreint de légèreté et la  pesanteur a disparu, je suis dans la lévité.

Verticalité physique et sentiment intérieur de verticalité sont en relation avec le sens de l’équilibre. Ce sens contribue en outre aux choix judicieux. Le sens de l’équilibre nous permet d’éprouver la limite de ce à quoi nous sommes présents.

Deuxième matinée, petite rétrospective de ces sens corporels

Chez le tout petit, qui n’est que sens, il est très important de protéger, d’accompagner le développement de ces sens corporels et ceci durant la première septaine. Mais des choses changent.

Si je continue comme avant, ce que je faisais échoue, l’enfant a besoin d’autre chose et me le fait savoir de multiples façons. Ce n’est pas le moment d’abandonner l’attention portée à ces sens. Je dois m’en préoccuper autrement. C’est de façon plus cachée, moins consciente pour l’enfant, que je m’en préoccuperai. Il faut alors transposer le développement des sens corporels dans le domaine artistique. Il est alors temps de prendre soin des sens médians. Ils font appel à plus de conscience.

Les sens médians: l’odorat, le goût, la vue, la chaleur

Le sens de l’odorat

Dans des temps très ancien, notre sens de l’odorat était certainement beaucoup plus développé, mais son atténuation est cependant positive. C’est un sens direct, immédiat, auquel nous ne pouvons échapper! Nous verrons plus tard pour quoi, mais abordons le par une petite histoire animalière.

Assis à une terrasse au bord d’une rivière dans une ambiance agréable mais venteuse, en début de vacances, j’observe le paysage. Un papillon attire mon regard. Comme tous les papillons sa trajectoire me semble erratique, mais cette fois-ci, nettement plus que de coutume. Le vent y est peut-être pour quelque chose? Il s’approche de la rivière, repart, remonte, rase à nouveau l’eau, va-t-il se noyer ? Et pour quoi veut-il à tout prix se trouver de l’autre côté ? Ce vol au hasard semble insensé.  Je l’observe depuis un bon moment: il va, il revient, il frôle l’eau, il remonte, il part en arrière… ça n’a vraiment pas de sens. Mais tout d’un coup j’aperçois son but … une femelle. C’est son odorat qui l’a guidé. Le vent lui en a fait perdre la trace à de nombreuses reprises mais le motif était là, suffisant et constant pour qu’il poursuive sa quête. Quelle finesse et quelle persévérance!

Il est donc certainement judicieux que chez l’humain ce sens soit quelque peu atténué, par contre nous ne pouvons pas y échapper. Les organes olfactifs sont placés à l‘intérieur de la racine du nez. De très fins canaux traversent l’os ethmoïde et mènent directement les nerfs olfactifs dans le cerveau. Il n’y a donc aucun moyen de l’éviter. Bonnes et mauvaises odeurs ne sont en définitive que des notions culturelles. La perception d’une odeur, à un moment de notre vie, peut nous ramener avec une précision inimaginable dans le souvenir, elle donne, directement, une forme de réalité à la représentation de cet instant. Le sens de l’odorat est lié à l’air.

Le sens du goût

Abordons une expérience de 7e classe, le feu, en classe, fenêtres fermées… La fumée, des odeurs désagréables, la gorge qui gratte, éventuellement un sentiment d’étouffement…

Ce petit exercice multi-sensoriels conduit à observer une similitude insolite entre odorat, vie, équilibre éventuellement, et le sens du goût. En fabriquant, à l’aide de ce feu, de l’eau de fumée et de l’eau de cendre, nous faisons apparaître la polarité acide base. Si, disposant d’acide et de bases plus concentrées, je les mélanges en juste proportion, je fais apparaître des sels. Soude caustique et acide chlorhydrique et voilà du sel de cuisine! Sucré, salé, acide et amer sont détectés par diverses parties de la langue;  la séparation chimique, acide base, se fait à l’aide de « langues de feu ». N’y a-t-il pas là une relation intime ? Ne pouvons-nous pas tirer une imagination de cette similitude ? S’il n’est pas possible de ne pas sentir, il est en revanche possible de ne pas goûter et,  il est parfois même dangereux de goûter!

Une grande partie des poisons sont amers. La racine la langue, sa partie antérieure, est sensible à l’amertume mais quand l’aliment parvient à cet endroit, il est quasiment impossible de le recracher ! Si le sens du goût n’a pas été trop perturbé durant l’enfance grâce une  relation juste face à l’alimentation, par la consommation équilibrée d’aliments, sains et pas trop «trafiqués», alors, c’est ce sens qui m’indique ce qui me convient et quand je suis rassasié!

Le sens du goût est lié à l’eau.

Le sens de la vue

«Et La Lumière Fut !»: Dans ce livre biographique, Jacques Lusseyran (aveugle par accident à l’âge de 8 ou 9 ans) nous permet de découvrir, à nous voyants, maintes subtilités étonnantes du sens de la vue. Une expérience faite en 6e classe dans nos écoles et reprise en 12e classe, met en évidence que nous ne percevons pas la lumière quand elle passe dans le vide, ni dans l’air et dans l’eau quand ils sont purs.  Nous percevons seulement son impact sur la matière solide, poussière ou autre. Le sens de la vue nous révèle la surface des choses, leurs couleurs et leur intensité lumineuse. Une observation fine du teint d’une personne et de la qualité de son incarnat peut être révélatrice de son état intérieur. Le sens de la vue nous amène donc à percevoir l’état de la vie en l’autre.

Le sens de la vue est lié à la terre.

Le sens de la chaleur

L’organe de ce sens est localisé sur toute la surface de notre corps.

Faisons une petite expérience. Disposons trois récipients, suffisamment grands pour pouvoir y tremper les mains, le premier avec de l’eau froide, le central avec de l’eau à température du corps et le troisième avec de l’eau nettement plus chaude mais de sorte qu’il soit possible d’y tremper une main assez longtemps. L’expérience se déroule en trois étapes. Lors de la première comme lors de la troisième, il s’agira de ressentir l’impression que nous donne notre sens de la chaleur pour les deux mains, la gauche et la droite.

Le déroulement de l’expérience est le suivant:

  1. plonger les deux mains en même temps dans le récipient central et être attentif.
  2. plonger en même temps, une main dans le récipient froid et l’autre dans le récipient chaud durant une à deux minutes pour que les mains soient bien adaptées à ces nouvelles températures.
  3. plonger à nouveau les deux mains en même temps dans le récipient central et être attentif à son sens de la chaleur.

La sensation est telle, qu’immédiatement nous savons que nous ne percevons pas la température mais le passage de la chaleur de l’extérieur vers nous: ce qui nous donne l’impression de chaud, ou de nous vers l’extérieur: ce qui nous donne la sensation de froid. Notre âme est aussi liée à ce sens. Il est tout à fait possible ressentir le froid ou le chaud d’une ambiance dans un lieu alors que la température est totalement adaptée.

Le sens de la chaleur est lié au feu.

Ces sens médians (appelés aussi sens du milieu ou sens de l’âme) se retrouvent liés à la structure corporelle de notre tronc: Au centre, la chaleur avec le cœur;  autour de lui, l’air avec les poumons; vient ensuite l’eau avec le liquide pleural et finalement la terre (le minéral) avec les côtes. C’est une description littérale de notre microcosme. Si nous considérons le globe terrestre au centre du macrocosme, nous avons l’image exacte d’une inversion: la terre au centre, l’eau avec les océans, l’air avec l’atmosphère, puis le feu avec la chaleur qui nous vient du Soleil. Ces sens médians exprime notre relation active avec le monde qui nous entoure et ils sont en l’occurrence à l’origine de notre écologie.

Troisième matinée: reprise du travail des jours précédents en changeant de niveau

Pour faire quelque chose de sa vie il faut monter dans son corps, comme on monte dans un train pour partir.

S’incarner c’est entrer dans des limites. La nuit il se passe tout autre chose! Les sens corporels sont les gardiens de ces limites:

• spatiales corporelles le sens du toucher
• de la vie isolée du tout le sens de la vie
• de l’intention et de l’acte le sens du mouvement
• calme, verticalité, lévité le sens de l’équilibre

Ces sens perçoivent la beauté du monde, ils doivent être prêts, pour que nous puissions monter dans le train. Si c’est le cas, les connaissances seront vivantes.

Au passage dans les premières classes, s’opère une métamorphose de ces sens, lesquels sont disponibles, voire impatients d’être mis à contribution. De multiples activités artistiques les requièrent et les stimulent. Le corps, par leur intermédiaire, dispose d’une intelligence quasi infinie qui ne demande qu’à être exploitée.

« C’est misère! » s’ils ne sont pas utilisés.

Le travail des sens médians dans les petites classes: Un mouvement, un dynamisme constant. Ça rentre je fais sortir, ça sort je fais rentrer!

Sens élément
Odorat ça respire rire pleurer air
Goût ça circule 50 litres de liquide circulent dans le corps par heure eau
Chaleur ça alimente nourrir l’enfant par les sens, par le regard terre
Vie ça réchauffe action de courage, engagement de volonté du cœur feu

Les sens sociaux: ouïe, parole, pensée, je de l’autre

Sans eux pas de perception de l’humanité en  l’autre.

Plus la culture des sens sociaux est faible, plus ils sont inconscients, plus les risques de conflits sont grands.

Rudolf Steiner n’a parlé du sens du toucher et du je d’autrui qu’à partir de 1910, avant cette date, il n’évoquait que dix sens.

Le sens de l’ouïe

Lorsqu’on écoute l’autre nous parler, notre sens de l’ouïe est activé et notre âme, par les sons qui nous arrivent, entre en contact avec l’âme de celui qui parle. Ces sons ne sont pas seulement des vibrations, ils sont aussi porteurs de ce contenu de l’âme. Il est possible d’imaginer un tel processus en prenant les qualités d’un homme tel que Stradivarius. En faisant «chanter» les arbres, il  savait écouter et reconnaître l’âme de l’arbre dont il ferait des violons. A l’écoute d’un concert en direct, nous ne percevons pas que la musique, que les sons. Nous percevons aussi les sentiments les mouvements d’âme des musiciens. A l’écoute de la musique enregistrée, de si haute qualité soit-elle, c’est notre expérience de la musique in vivo, l’activité de notre propre âme, qui nous permet de  surajouter cette vie de l’âme de l’autre.

Le sens de la parole

Des observations et expériences faite il y a une quinzaine d’années par W. S. Condon montrent que, même lors de la locution de mots courts, le corps entier se meut, non seulement la bouche mais aussi divers éléments du corps ; légère inclinaison de la tête, torsion du poignet droit, pincement des narines, ou autre. Celui qui écoute exécute aussi ces mouvements avec un décalage de quelques centièmes de secondes. De plus une étude de Tadaki Takato a mis en évidence que le tout petit enfant, dans sa perception du locuteur, par des mouvements infimes, provoquait le choix des mots du locuteur! En regard de telle phénomènes, il est évident que le téléphone, l’écran, le doublage… pose quelques questions.

Le sens de la pensée d’autrui

Il arrive qu’à l’écoute, ou à la lecture de quelque chose d’essentiel, nous ne comprenions pas vraiment ce qui est là, mais nous savons exactement ce que ça veut exprimer. Par fois nous réalisons que la forme est inadéquate, mais le contenu est essentiel. Là nous sommes dans la perception de la pensée d’autrui. Il arrive que des choses exprimées ne contiennent qu’une mauvaise réplique de la pensée d’un tiers. Les élèves Waldorf sont experts en la détection des choses non vécues. Et les adolescents sont les détecteurs, spécialiste de la vie dans la pensée. Si j’assiste à un cours donné par une personne qui implique sa vie dans ce qui est présenté, alors j’engage ma vie dans la sienne… S’il est donné par l’intermédiaire d’un écran, je dois puiser dans mes propres forces de vie pour créer la communion.  Le sens de la pensée d’autrui est le sens de la vie dans l’expression, la pensée de l’autre.

Ceci peut nous amener à déceler trois niveaux de propriété de la pensée, que nous exprimerons ici sous forme d’image:

Pensées en location un certain travail a été fait, mais nous nous ne faisons néanmoins que répéter des pensées d’autrui
Pensées en leasing un réel travail de plusieurs dizaines d’années nous a amené à la «conquête» de pensées que nous n’avons pas créée
Pensées en propriété elles sont liées à l’existentiel, à soi, issues de l’ intérieur, viscérales

La création artistique réelle fait partie de la pensée en propriété, c’est la mise au monde de quelque chose qui n’existe pas encore.

Sens de l’ouïe perception de l’âme de l’autre quel qu’il soit
Sens de la parole perception des mouvements, si fins soient ils, de l’autre
Sens de la pensée de l’autre    perception de la vie de l’autre

Affiner ces sens correspond à développer la culture de la présence de l’autre.

Le sens de l’unique, du curieux, de l’autre, appelé aussi le sens du moi d’autrui

Perception directe de l’individualité de l’autre. Son organe de perception c’est le corps dans son ensemble pour autant que quelque chose rayonne de la tête dans tout le corps. Il est important que le calme intérieur s’installe pour que cet organe fonctionne. Il faut que j’accepte d’être perçu si je désire percevoir l’autre.

Tout ce qui vient, comme pensée, entre nous et l’autre est un voile pour la perception du moi de l’autre. Les préjugés, l’impossibilité d’être en face de l’autre sont aussi des barrières pour la perception du je de l’autre.

La hiérarchie (exemple des entreprises pyramidales) est l’institution de destruction de la perception du je de l’autre.

Cultiver le je de l’autre, c’est la culture de la présence physique face aux élèves.

Le je que l’on perçoit par le sens du je de l’autre est le «petit je», celui qui est incarné dans le corps physique.

Le sens du toucher nous ramène à nous même. Quand je suis dans le sens du toucher de l’autre dans son intégrité, je suis dans le sens du je de l’autre.

La culture des sens sociaux passe par la présence à l’autre.

Voir aussi le compte rendu proposé par Dominique Minolien il y a quelques mois