FINANCEMENT DES ECOLES STEINER
par Sybille Naito 

Comment réunir les moyens d’enseigner sans trop charger les parents ? Comment préserver l’enthousiasme des maîtres ? Quelques réflexions.

Dans la constellation des douze champs de travail selon les Chemins vers la Qualité, le champ 7, Equilibre financier, est en face du champ 1, Définition des tâches. En effet, il n’y a pas de sens à parler finances avant d’avoir défini quel but on voudrait atteindre, avant d’avoir clairement formulé quelle tâche on veut accomplir.
La tâche principale d’une école consiste à répondre aux besoins des enfants – besoins d’apprentissage, d’encadrement, de reconnaissance. L’outil principal pour répondre à ces besoins est l’enseignant lui-même – il s’agit donc de lui permettre de vivre. Dans les écoles Steiner suisses, les parents, par leurs contributions, permettent aux enseignants de se consacrer à la pédagogie.
Deux domaines et deux acteurs principaux : la tâche à accomplir et les moyens pour y parvenir d’un côté, enseignants et parents de l’autre – nous sommes en face d’autant d’éléments qu’il s’agit d’équilibrer.

1. Tâche – enseignant

Souvent, un enseignant qui débute dans une école Steiner est plein d’enthousiasme. La perspective de travailler avec des enfants ou adolescents dans un cadre qui laisse la place aux initiatives personnelles et qui privilégie la rencontre permet d’accepter des conditions de travail exigeantes. Parfois, au fil des mois ou des années, l’enthousiasme retombe, la fatigue voire l’usure peut s’installer.
L’enseignant se trouve devant un défi : comment préserver l’enthousiasme ? Qui dit enthousiasme dit joie, élan, volonté d’agir – autant de qualités qu’il faut maintenir vivantes. Mais le descriptif de la tâche même de l’enseignant dans une école Steiner peut paraître sec, tatillon. D’où vient la force de le percevoir comme une impulsion qui se renouvelle, de retrouver quotidiennement la joie et l’élan nécessaires ? Plusieurs réponses existent (et peuvent se renforcer mutuellement) : de l’amour des enfants, de la volonté d’apprendre grâce au travail en collaboration, de la compréhension du sens de la pédagogie, du travail sur soi. Seul un enseignant enthousiaste pourra transmettre le sens de l’impulsion pédagogique aux parents.

2. Tâche – parents

Les parents doivent pouvoir connaître l’impulsion pédagogique à la base du travail qui se fait avec leurs enfants. Si l’enseignant se doit d’expliquer la pédagogie et ses arrière-fonds aux parents, les parents se doivent de s’y intéresser. Seul l’intérêt pour la pédagogie pourra motiver les parents à contribuer financièrement à la vie de l’école.

3. Tâche – finances

Les moyens financiers permettent à l’impulsion de se concrétiser, de devenir réalité. Les moyens mis à disposition dépendent bien sûr du contexte, ils créent une marge de manœuvre plus ou moins grande. Le budget qui fixe cette marge s’établit à partir de la recherche d’équilibre entre l’impulsion et ses besoins d’un côté et le contexte et ses possibilités de l’autre. Mais quelle que soit cette marge, une sorte de magie opère : le chiffre qui apparaît dans les comptes s’est transformée en mille et une expériences – joies, peines, apprentissages de toutes sortes ! Une véritable transsubstantiation !

4. Finances – enseignants

Les enseignants des écoles Steiner acceptent des salaires bas – très bas en comparaison de ce qui se pratique dans l’enseignement public, surtout pour les enseignants des classes supérieures. L’enthousiasme dont nous avons parlé plus haut permet d’accepter cette situation. A une condition pourtant : la situation doit rester viable (un souci financier trop important risque bien d’entamer l’enthousiasme même le plus vivace…).

5. Finances – parents

La contribution financière des parents ne reflète pas uniquement leurs possibilités financières mais aussi leur compréhension de la pédagogie et, partant, leur volonté de la faire vivre. Une question à se poser : qu’en est-il de l’équilibre entre la situation financière des parents et celle des enseignants ? La balance ne devrait pas pencher trop bas ni dans un sens ni dans l’autre.

6. Parents, enseignants

Tout ce qui précède montre l’importance de la perception mutuelle des parents et des enseignants, des intentions et idéaux des uns et des autres. Ainsi, pour créer une situation financière saine, la rencontre et l’échange entre parents et enseignants sont primordiaux. C’est dans ce contexte que les termes de solidarité et de responsabilité partagée prennent tout leur sens – être solidaire veut bien dire s’orienter vers un même but, être responsable implique l’intérêt porté à l’ensemble, le regard sur l’autre. Restent les enfants : Les conditions esquissées brièvement ci-dessus créent l’espace dans lequel ils peuvent grandir, s’épanouir ; elles permettent aux parents et aux enseignants de les accompagner sur le chemin vers l’âge adulte sur la base d’un choix conscient de la forme que prend cet accompagnement. Finalement, la question des finances est essentiellement une question d’enthousiasme – enthousiasme fondé sur la connaissance de l’impulsion et la volonté de se rencontrer sur ce chemin vers un même but.

Sibylle Naito
Ecole Steiner de Lausanne
publié dans la revue entr’écoles d’automne 2011 (journal des écoles Rudolf Steiner de la Suisse Romande n°9)