1861-2011 – CE QUE NOUS DEVONS À RUDOLF STEINER

L’AGRICULTURE BIODYNAMIQUE
par Jean-François Clerson

Des milliers d’agriculteurs dans le monde s’inspirent des recommandations formulées par Rudolf Steiner. La méthode développée depuis 1924 répond aux préoccupations écologiques de notre époque, mais va bien au-delà.

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C’est pour répondre à la demande d’un cercle d’agriculteurs, qui constatait une dégénérescence des végétaux, que Rudolf Steiner répondit, en juin 1924, en donnant huit conférences qui constituèrent le fondement de la méthode bio-dynamique.
Car, concluait-il, « les principes qui ont été indiqués pour montrer dans quelles conditions les plantes se développent de la façon la plus diverse, les animaux se développent, les principes d’après lesquels il faut fumer le sol, éliminer la mauvaise herbe, la façon dont on peut détruire les parasites nuisibles à l’agriculture, combattre les maladies des plantes, tout cela constitue pour l’agriculture d’aujourd’hui des questions d’une brûlante importance. »

L’autonomie des domaines

Le premier principe de son approche est de faire de chaque domaine agricole un « organisme agricole » individualisé, dans lequel une synergie est recherchée entre les bêtes qui produisent la fumure et la culture de céréales, fruits, légumes, en interaction avec la vie des haies et forêts. La ferme reposant sur ses propres forces, on limite au maximum les importations, comme par exemple l’achat de fourrages ou d’engrais, et on améliore la fécondité du sol pour produire des aliments de qualité. Ainsi, cette méthode, réduisant au minimum les déplacements des matières premières et interdisant l’usage de produits chimiques, fut un précurseur de l’approche écologique.
Un exemple que j’applique sur le domaine dont je m’occupe, est de récolter au printemps, lors de la taille des nombreuses haies du domaine, les rameaux de l’année et les feuilles pour ensuite les donner comme fourrage tout au long de l’année. Je peux ainsi limiter l’achat de compléments alimentaires et minéraux pour les animaux.

Des aliments plus vivifiants

Un autre aspect fondamental de cette méthode, qui la rend différente de l’agriculture biologique, est l’utilisation des préparations biodynamiques, véritables innovations agissant dans les forces de vie et organisant les substances. Elles sont souvent fabriquées par un groupe de paysans et sont à base de plantes, de bouses, de quartz pour être transformées dans des cornes de vaches ou dans d’autres organes animaux. Elles sont utilisés pour améliorer la fécondité du sol, lutter contre les maladies fongiques, organiser la décomposition des composts, avec comme but de produire des aliments vivifiants. « L’essentiel, c’est que lorsque ces produits deviennent des produits de consommation, ils profitent le plus possible à l’être humain. Vous pouvez produire un fruit d’apparence superbe, dans votre champ ou dans votre verger, mais peut être ne fait-il que vous remplir l’estomac, sans stimuler organiquement l’être intérieur à proprement parler. Mais cette science (ndlr. l’agriculture chimique-matérialiste) ne peut aller aujourd’hui jusqu’au point où elle permettrait à l’homme d’avoir la nourriture la plus propre à stimuler son organisme, parce qu’elle ne sait pas comment y parvenir. » (Rudolf Steiner)
« Telle qu’elle est aujourd’hui, la nourriture ne peut plus donner à l’homme les forces qui sont nécessaires pour manifester le spirituel dans la volonté physique. On n’arrive plus à créer le pont entre le penser et la volonté. » (Ehrenfried Pfeiffer, agronome)

Le rôle des planètes

Un autre domaine où Rudolf Steiner a ouvert les consciences est le travail de la terre en fonction de la position de la lune, des planètes et des constellations. On doit beaucoup à Maria Thun qui, partant de ces indications, a donné sa vie comme chercheuse déterminée, démontrant l’influence des astres sur le végétal. Elle a fait des essais sur des milliers de semis notant systématiquement les positions de la lune et des autres astres ainsi que les résultats de culture. On trouve aujourd’hui un outil de travail précieux pour les agriculteurs et jardiniers dans le « calendrier des semis » qu’elle édite chaque année. Rudolf Steiner a aussi proposé des moyens de lutte pour diminuer la pression des plantes adventices (trop souvent appelées mauvaises herbes), des insectes parasites et des ravageurs sans pour autant chercher à les faire disparaitre complètement mais pour les remettre à leurs place dans un domaine sain. Malheureusement, ils sont aujourd’hui systématiquement traités par l’arsenal phytosanitaire au mépris de l’environnement et de la santé. Sa méthode à base de cendres de ces « indésirables » donne des résultats étonnants. Je l’applique personnellement sur toutes les terres du domaine pour réguler le Rumex (plante très envahissante).

Comment quantifier la qualité ?

Comme la pensée matérialiste associe encore le concept de qualité des aliments à une quantité mesurable, par exemple avoir une grande quantité d’une telle vitamine, la question de l’évaluation des effets parfois subtils de cette méthode est vite apparue. La cristallisation sensible et de la morphochromatographie ont donc été développées pour évaluer la qualité des aliments selon la dynamique que l’aliment porte en lui, et dans quelle mesure il peut stimuler l’organisme. Grâce à ces méthodes, on peut aujourd’hui évaluer la qualité des aliments, des sols, et même l’état de santé globale des humains.

Des vins biodynamiques

Aujourd’hui la biodynamie est pratiquée sur tous les continents et porte le plus souvent la certification Demeter, qui concerne 4200 producteurs dans 43 pays, totalisant 100.000 hectares. Sans compter tous ceux qui la pratiquent sans, ou avec une autre certification. Actuellement, en Europe, ce sont souvent les vignerons qui font parler de la biodynamie, car les qualités organoleptiques des vins sont nettement améliorées et aisément reconnaissables. Autre avantage, le recours à l’arsenal phytosanitaire, considérable en viticulture, est rendu inutile.
Ainsi, la méthode pour vivifier le minéral, le végétal, l’animal et l’humain est disponible et éprouvée. La compréhension des processus mis en activité et des réalités qu’ils sous-tendent relève par contre d’une autre paire de manche. En tous les cas, les clés sont là pour que la conscience puisse faire un pas de géant dans la compréhension du vivant.

Jean-François Clerson
Maître socio-professionnel, responsable de la Ferme de la Fondation Perceval, à St-Prex
publié au printemps 2011 dans la revue entr’écoles (journal des écoles Rudolf Steiner de la Suisse Romande #7)