L’approche des éléments chimiques en 11e classe
La chimie s’occupe de la matière, des substances et de leurs relations entre elles.
C’est une science particulièrement récente: notre connaissance de la constitution intime de la matière ne date que de quelques décennies et le premier modèle atomique proposé par J.J. THOMSON en 1904, où l’on voit l’atome comme un « cake » sphérique dans lequel les raisins secs seraient les électrons, nous fait sourire aujourd’hui.
De même la découverte des éléments chimiques, ces briques élémentaires qui constituent toutes les substances existantes, comme les lettres de l’alphabet constituent les mots, n’ont été identifiés ou isolés pour la plupart qu’à partir du début du XIXe siècle. Lavoisier en avait répertorié une vingtaine vers 1789, dont les 17 métaux connus alors, Mendeleiev dans sa fameuse classification périodique de 1869 en connaissait 63 sur les 92 éléments naturels connus aujourd’hui jusqu’à l’Uranium.
Depuis 1 siècle environ, cette jeune science a pris une extension considérable et une importance de plus en plus grande par ses applications dans tous les domaines qui influencent notre vie de tous les jours: colorants, polymères de synthèse, médicaments, détergents, engrais chimiques de synthèse, pesticides, additifs alimentaires… L’importance de l’industrie chimique dominée par quelques grandes firmes multinationales prend parfois des aspects dramatiques lors de pollutions accidentelles telles qu’à Seveso en Italie, BOPAL en Inde (16.000 à 30.000 morts en 1984), Toulouse en 2001 – pour ne citer que les plus tristement célèbres.
Les questions qui se posent dans l’enseignement de la chimie dans les grandes classes sont :
Comment apporter aux élèves un minimum de connaissances sur la constitution de la matière et les mécanismes fondamentaux de la chimie, pour qu’ils aient des outils suffisants pour comprendre le monde dans lequel ils vivent ? La simple lecture d’une étiquette de bouteille d’eau minérale (anions, cations) demande un minimum de connaissances en chimie…
Comment rendre cette science vivante, même si elle s’occupe de la matière inanimée et éviter une approche trop réductrice qui ne donne en fin de compte qu’une caricature de ce qu’est réellement la matière et qui ne tienne pas assez compte des processus ?
Quelques éléments de réponse :
Il est nécessaire au cours des périodes de 9ème à 12ème classe d’apporter progressivement à l’élève un minimum de connaissances sur les conceptions modernes et quantitatives de la chimie. Mais il faudrait éviter de présenter à l’élève ces conceptions, ces théories de but en blanc, sans passer par les différentes étapes historiques qui ont conduit à leur élaboration. L’approche historique est une aide précieuse pour permettre à l’élève de comprendre comment les alchimistes d’abord puis les chimistes depuis l’antiquité grecque, en passant par le siècle des lumières et la révolution chimique de Lavoisier, jusqu’à Mendeleiev et Niels Bohr, ont élaboré successivement des théories, des modèles qui essayaient de rendre compte de leurs observations.
Il s’agit également de faire prendre conscience à l’élève que les théories sur la constitution de la matière ne rendent pas compte de la nature profonde de la matière et de ses qualités: le fait de savoir que l’eau est H2O ne permet pas de comprendre toutes les propriétés de ce liquide porteur de vie. De même des éléments très proches dans la classification périodique tels que Oxygène et Carbone, ou le Soufre et le Silicium qui ne diffèrent que par deux protons et deux neutrons, comment expliquer qu’ils aient des propriétés, un caractère aussi différents et une place si particulière dans la création.
De même qu’on ne peut pas connaître et aimer une personne uniquement par l’étude de son squelette ou de sa silhouette, les substances et en particuliers les éléments chimiques doivent être abordés sous plusieurs aspects, non seulement avec la froide logique de l’intellect, mais également avec les yeux de l’âme. Ils s’agit d’aborder les éléments chimiques, Hydrogène, Oxygène, Azote, Carbone etc. comme des personnages dont nous essayons de comprendre le caractère, le tempérament : l’Hydrogène, au travers d’expériences, est vu comme un colérique, à peine matérialisé, peu incarné sur terre qui aspire un peu comme l’âme humaine à rejoindre sa partie cosmique. L’Oxygène se révèle comme un flegmatique, actif, omniprésent, omnipotent, particulièrement actif dans le domaine de la vie, extrêmement abondant et présent dans le monde minéral et bien sûr dans l’eau. Le Carbone est vu comme un sculpteur qui donne la forme aux végétaux et aux animaux à la fois lié à la terre et au feu…
L’approche artistique peut aider à développer cette relation personnelle avec les éléments chimiques : ce peut être un travail de peinture sur le thème d’un élément, une danse a été une fois réalisée par un élève sur le thème du soufre, une chanson, parole et musique a été écrite sur le thème du magnésium. (ci-après) Ce peut être de l’eurythmie sur le thème de l’Hydrogène et de l’Oxygène…
La notion d’ordre, d’harmonie, chère à Einstein (« Dieu ne joue pas aux dés »), doit être présente dans l’enseignement de la chimie. La chimie relie l’homme du monde de l’infiniment petit (les atomes) au monde de l’infiniment grand (Kosmos en grec signifie ordre et beauté). La chimie relie le monde du minéral au végétal, à l’animal et à l’humain à travers la substance.
La façon dont on peut présenter le fameux tableau de Mendeleiev est à ce titre exemplaire: (voir schéma page suivante)
A la présentation rectangulaire classique, habituelle qui trône dans toutes les salles de chimie, on peut substituer une présentation en forme de pyramide (cf. article de Françoise Poyard-Garbit: Le monde des éléments, Temple de la création dans l’Esprit du Temps): au rectangle fermé, se substitue la forme du triangle ouvert (le triangle est le signe de la divinité). Dans cette présentation, l’Hydrogène (H) et l’Hélium (He), les deux gaz les plus légers occupent le haut de la pyramide. Le Carbone (C) qui occupe une place centrale dans le règne vivant, occupe le centre de la 2ème ligne; de même le Silicium (Si) qui occupe une place centrale dans le monde minéral occupe le centre de la 3ème ligne. Puis le tableau s’élargit jusqu’à l’Uranium (U) le dernier des éléments « naturels » à la dernière ligne. On peut ainsi se représenter le monde des éléments chimiques comme le « temple de la création »: le sommet de la pyramide, inoccupé, représentant l’énergie créatrice qui a précédé la matière (le fameux « Big Bang »), la flèche verticale, indiquant la descente de l’immatérialité vers la matérialité…
LA BALLADE DU MAGNESIUM
Paroles et musique : Guillaume Nest
1. C’est grâce à Bussy, mon sauveur, celui qui m’a délivré
En 1829, il m’a sorti de la magnesie
Je suis blanc argenté
Mais terne à l’air ou quand je suis dans l’eau
Je suis deux fois plus léger que le fer
On m’appelle aussi MG
Refrain:
Je suis le magnesium, j’adore l’oxygène
Je suis présent, un peu partout, en étant important
2. Je peux défaire, le gaz carbonique, de son oxygène
Pour m’enflammer, même sans feu, je l’aime vraiment cet oxygène
Ma flamme est d’un blanc, aveuglant
Prenez garde, à vos paires d’yeux
Cette tige vous montre sa puissance, et sa luminosité.
Lorsque je brûle, faites attention, à ne pas m’éteindre
Avec du gaz carbonique, vous ne feriez que m’attiser
Refrain
3. Je suis présent, dans les feuilles, je fais la photosynthèse
C’est grâce à moi, que l’on respire, je fabrique de l’oxygène
C’est moi qui compose seize pour cent de votre planète
C’est moi qui donne à notre eau, son petit goût amer.
Refrain
4. Autrefois, on m’utilisait dans les flashs photographiques
Maintenant je suis si léger que je suis dans les avions
Je suis présent dans vos corps, je suis l’énergie
Vous pouvez m’acheter dans les pharmacies.
Refrain
Chanson composée et jouée par un élève de 11ème classe de l’école Michaël de Strasbourg dans le cadre de la période sur les éléments.
Yves Perron
Professeur de chimie dans les grandes classes
Strasbourg et Lausanne
publié dans la revue «La Vie de l’Ecole» de Pâques 2002
