rudolf-steiner_wikipediaRudolf Steiner est né fin février 1861. En ce 29 février 2016, une situation exceptionnelle pour une Assemblée générale de l’Ecole de Lausanne, l’occasion était favorable pour évoquer quelques éléments de sa biographie en relation avec notre vécu de ce jour.

Qu’y a-t-il de commun entre cette assemblée générale et l’initiative dite : «Du revenu inconditionnel», sur laquelle les citoyens suisses devront se prononcer le 5 juin 2016 ? Nous allons le voir dans les propos qui suivent.

En 1919, l’Europe est en état de choc, nous sommes à la sortie de la 1re guerre mondiale. Parmi les cycles de conférences que Rudolf  Steiner donne à ce moment, il reprend un thème qu’il a déjà abordé une quinzaine d’années auparavant: l’organisation, la structuration de la société pour permettre une vie plus harmonieuse, pour éviter des conflits. Emile Molt, un industriel de Stuttgart, collaborateur de Steiner de longue date, lui demande de présenter ceci à ses ouvriers. Dans ce qu’il présente nous trouvons la question de la juste place à donner à la maxime de la Révolution française: «Liberté, Egalité Fraternité».

Le domaine de la liberté s’inscrit dans la culture, les arts, le cultuel, le spirituel.
L’égalité a sa place dans le juridique.
La fraternité devrait régner dans l’économie.

Le domaine dans lequel se situe le travail de l’Homme est: la culture, l’art, mais pas l’économie. Le travail humain ne peut pas être commercialisé. L’acquisition des ressources nécessaires pour vivre doivent provenir d’un autre chemin. L’Homme aurait à offrir son travail à l’humanité.

Les ressources pour vivre devraient provenir de ce que produit l’économie, mais elles ne devraient pas être liées au temps passé à la création de ces biens.

A la fin de la conférence, la question de la mise en application de telles idées fut posée et comme réponse, Rudolf Steiner proposa de créer une école avec une nouvelle démarche pédagogique, impliquant une nouvelle façon de penser. Les ouvriers mirent à disposition les élèves, Emil Molt donna une part des besoins financiers et Rudolf Steiner forma les futurs pédagogues dans le courant du mois d’août 1919. Ils furent choisis parmi des proches de l’anthroposophie. La première école Steiner s’ouvrit à Stuttgart, début septembre 1919. Elle a pour nom «Ecole Waldorf», Emile Molt était directeur de la fabrique de cigarettes Waldorf Astoria. Jusqu’en 1925, année de sa mort, Rudolf Steiner accompagna, avec beaucoup de cœur et d’assiduité, les premiers pas de cette école.

L’idée du contenu de l’initiative «du revenu inconditionnel» est: chaque personne, domiciliée légalement  en Suisse depuis un certain temps, recevrait un montant, quelle que soit sa situation. Le montant évoqué est de 2000 à 2500  francs pour les adultes et de 600 à 800 francs pour les enfants. Ces montants ne sont pas fixés dans le texte de l’initiative.

Parallèlement à cette activité, Rudolf Steiner poursuivait, entre autres, une entreprise d’apparence plus matérielle, débutée en 1913. C’est la construction du Goethéanum sur une colline de la commune de Dornach. C’était un bâtiment avec une architecture très particulière, devant accueillir des activités artistiques, artisanales et culturelles, un haut lieu de l’anthroposophie. Les ouvriers qui ont collaboré à cette construction venaient de toutes les régions d’Europe, mais aussi d’Amérique du Nord, de Russie et quelques-uns d’Asie. La partie principale, qui était la salle de spectacle et sa scène, était entièrement en bois. Tout au long de cet ouvrage, Rudolf Steiner proposa des conférences  pour les ouvriers. Les thèmes traités sont très divers: l’Homme, la nature, le cosmos, les relations de l’Homme avec son environnement physique et spirituel, etc. Durant presque 10 ans, de la pose de la Pierre de Fondation de ce bâtiment, en septembre 1913 jusqu’en fin décembre 1922, cette colline de Dornach fut un lieu de rencontre de personnes de tous les horizons travaillant pour anoblir en l’Homme son humanité. Dans la même période, de 1914 à 1918, de nombreuses nations engageaient une partie de l’humanité dans un conflit terriblement destructeur, avilissant l’Homme! Dès 1920, alors que le bâtiment n’était pas encore totalement terminé, les espaces disponibles étaient utilisés.  Lors du  Congrès de Noël de 1922, à la fin de la conférence le soir du 31 décembre, Rudolf Steiner fut interpelé pour se rendre dans le bâtiment de la chaufferie du Goetheanum. La température de l’eau de retour était beaucoup trop élevée. De la fumée se répandit dans les salles. Un incendie couvait dans les espaces entre les plafonds et la toiture. Rudolf Steiner fit évacuer le bâtiment, les pompiers intervinrent mais il était trop tard. A partir de minuit les flammes illuminèrent toute la région. De très nombreuses personne vinrent «admirer le spectacle» de tous les villages environnants et même de Bâle.

Dès le 1er janvier 1923, malgré cette immense perte, dont une grande part des forces de vie que Rudolf Steiner avait engagé dans la conception de ce bâtiment, il commença un nouveau cycle de conférences pour redonner du courage aux personnes présentes. Tout au long de l’année, il parcourut l’Europe: participant à la fondation de sections nationales anthroposophiques, stimulant et ajustant des démarches, apportant ses forces à des activités en cour. Lors du Congrès de Noël 1923, il proposa aux participants d’implanter, cette fois dans leur cœur, une Pierre de Fondation. C’est un long mantra à travailler pour l’édification d’un espace intérieur de recueillement. Ce nouveau temple, intérieur, était alors à l’abri d’incendies criminels. Durant ces années et jusqu’en mai 1925, date de sa mort, il offrit à l’humanité encore de nombreux cadeaux telles que: l’agriculture biodynamique, la pédagogie curative, de nouveaux cycles pour les scientifiques. La veille de son décès, il transmit à la doctoresse Ita Wegmann le manuscrit corrigé de l’ouvrage de base de la médecine anthroposophique, rédigé en collaboration avec elle.

En quelques touches, nous allons parcourir le début de sa biographie. Rudolf Steiner est né dans un village de l’Empire Austro-Hongrois actuellement en Hongrie. Son père était télégraphiste dans la compagnie des chemins de fer du sud de l’empire.  Après deux mutations successives, c’est dans le village de Pottschach que la famille habita. Sa sœur et son frère y vinrent au monde. Suite à une injustice de la part de l’instituteur, le  père de Rudolf Steiner refusa qu’il retourne à l’école. C’est lui qui, dans ses moments libres, donna les bases de la lecture et de l’écriture à son fils. A la suite d’une nouvelle affectation de son père, Rudolf Steiner suit une scolarité presque normale, il avait alors entre 8 et 9 ans. C’est à cet âge qu’il emprunte, chez l’instituteur auxiliaire, un livre de géométrie. Il exprime que le travail de celui-ci est, pour lui, source de sa première grande joie.

A l’âge de 13 ans, dans le lycée, dont l’enseignant d’histoire est très ennuyeux, il remplace les pages de son livre d’histoire par les pages du traité de philosophie de Kant: «Critique de la raison pure». A 16 ans, il commence l’école polytechnique à Vienne. Il a, à cet âge-là, déjà assimilé toute la philosophie de Kant et s’intéresse aux philosophes modernes allemands. En parallèle à ses cours à l’école polytechnique, il suit en auditeur libre les cours de philosophie à l’université. Après trois ans, il abandonne l’école polytechnique, la philosophie a pris le dessus. Il y a fait cependant, une rencontre cruciale pour le restant de sa vie: Karl Julius Schroer, le professeur de littérature. C’est un passionné de Goethe qui participe à la réédition des œuvres poétiques de Goethe. Il lui est aussi demandé de préparer les œuvres scientifiques. Schroer propose à l’éditeur que ce travail soit confié à Rudolf Steiner, ceci malgré son jeune âge. Suite à la parution du premier des ouvrages scientifiques commenté par Steiner, l’offre de collaborer au dépouillement des archives de Goethe et de Schilller, lui fut faite. Pour participer à cette tâche Rudolf Steiner vécut durant 7 ans à Weimar, haut lieu de culture.

Le fait de n’avoir aucun titre universitaire y était un grand handicap. Pour palier à ce manque il présente, à l’âge de 31 ans, une thèse de doctorat en philosophie, qui sera publiée un an plus tard sous le titre: «Vérité et Sciences, prologue à une philosophie de la liberté». En 1894, alors qu’il travaille encore à Weimar, Rudolf Steiner fait éditer l’ouvrage qui est l’assise philosophique de l’anthroposophique: «Philosophie de la Liberté». Il l’évoquera comme base de toutes ses activités, ses publications et ses conférences futures. Vingt-cinq ans plus tard, lors de la réédition de cet ouvrage il en parle de la façon suivante:

«Si l’on comprenait les intentions de ce livre visant à établir les fondements de l’individualisme éthique, les fondements d’une vie sociale et politique, si l’on avait correctement compris cela, on saurait qu’il existe des moyens pour orienter l’évolution de l’humanité vers des voies fructueuses.»

Cette citation montre que très tôt, Rudolf Steiner se préoccupait de l’organisme social.

Par cette présentation je ne désire en aucun cas influer sur votre choix de vote le 5 juin, mais il est intéressant de réaliser que :

  • Nul ne peut vous imposer un choix, là agit la Liberté.
  • Votre voix à la même valeur que celle de votre voisin, là agit l’Egalité.
  • Le sujet de ce vote est du domaine de l’économie, là agit la Fraternité.