Allocution faite le 8 septembre 2001

BIENVENUE, à vous tous, en ce 8 septembre 2001 à bord de notre NAVIRE « ECOLE RUDOLF STEINER DE LAUSANNE » pour souffler les 25 bougies de son existence.
Ce NAVIRE est à flot depuis un quart de siècle ici en Suisse romande, naviguant sur mer et sur terre parmi 2000 autres navires nommés Waldorf d’après la marque de cigarettes de l’industriel EMIL MOLT (initiateur de la fondation) ou portant le nom du fondateur d’un mouvement pédagogique qui existe aujourd’hui à l’échelle de la planète , né en septembre 1919 à Stuttgart en Allemagne. Ce mouvement pédagogique a ceci de particulier qu’il est de plus en plus connu, même reconnu d’utilité publique, mais qu’il repose sur des initiatives individuelles.
Chacune de ces 2000 écoles a son histoire, sa biographie.
Voici la nôtre :

L’idée de donner naissance à une école où L’ENFANT, L’ENFANT EN DEVENIR est placé au centre des préoccupations de pédagogues, d’enseignants et de parents, avait germé dans le cœur de quelques personnes, prêtes à tout faire pour que l’idée se réalise. C’est ainsi qu’une Association de l’Ecole Rudolf Steiner de Lausanne avec un comité fut créée en 1976, qu’un petit navire vit s’embarquer tout près du joli FLON, une ribambelle d’enfants de 6,7,8 et 9 ans avec quelques marins enthousiastes et intrépides.
Après six ans de belle vie à la « Cigale », il fallut changer d’embarcation car elle était devenue bien trop étroite pour les huit classes et le jardin d’enfants.
En 1982, l’école trouva logis à la Longeraie, à Morges, pas très loin du lac Léman, à quelques pas de l’autoroute, de la gare, des rails du BAM et du supermarché WARO ! Les anciens dortoirs de l’internat DON BOSCO furent transformés en salles de classe, en atelier de bois et de forge, en salle de musique, d’eurythmie et en d’autres locaux de travail fort appréciés et inexistants jusqu’alors, en plus d’une grande cuisine et d’un réfectoire.
C’était le moment de commencer le cycle secondaire avec les grands élèves de 14 et 15 ans après les avoir applaudis lors du premier spectacle de 8e classe : LE BOURGEOIS GENTILHOMME de Molière. Depuis nous avons pu voir vingt mises en scène, réalisées par des 8e classe !
Construire le degré supérieur (les classes de 9 à 12) avec des classes non sélectionnées, répondre à des capacités et aspirations très diverses, à des attentes grandes de la part des parents, et des élèves voulant être préparés à faire un apprentissage ou des études universitaires—voilà des défis pour l’équipe des enseignants. Trouver les moyens financiers, voilà des défis pour le comité de l’Association.
Confiance de part et d’autre, créativité et endurance étaient à développer de jour en jour.

En 1988, chaque JEUNE de 18 ou 19 ans présenta son travail de fin de scolarité (ou chef-d’œuvre) et la communauté de l’école vécut pour la première fois ce grand moment où la personnalité d’un JEUNE peut faire preuve de ses capacités et forces individuelles à travers une recherche authentique et une réalisation pratique ou artistique, présentées devant un grand public. La classe dans son ensemble mit en scène une pièce de théâtre : LES SORCIERES DE SALEM de Henry Miller et vit une dernière expérience forte sur le plan social et au niveau d’un travail d’équipe.
Parcourir une scolarité de douze ans dans un contexte social stable (dans une communauté de classe), assister aux métamorphoses, aux progrès des camarades de classe, comprendre et accepter ses propres faiblesses et essayer de les dépasser — voilà ce qui agit en profondeur, qui stimule et engendre l’intérêt pour autrui et peut devenir plus tard une volonté de s’engager socialement dans la vie, quelque soit la tâche professionnelle.

L’étape pionnière de l’école est arrivée à terme. Dès 1988 le cycle complet des douze classes avec trois jardins d’enfants (dont un reste dans les hauteurs de Lausanne) permet aux enfants de vivre une petite enfance sans contraintes préscolaires et une scolarité primaire et secondaire sans redoubler de classe et sans notes.
L’école a alors presque 400 élèves et une trentaine d’enseignants.
Tout cela a été possible aussi grâce aux efforts et au dévouement constant d’un comité et de parents et d’amis de l’école oeuvrant par exemple pour le BAZAR durant toute l’année.

En 1992, il faut quitter Morges (le bail ne pouvant être prolongé) et l’école trouve ce lieu merveilleux à BOIS GENOUD où la nature règne en maître, à l’abri des intempéries, bien que logée dans des baraquements provisoires. En plus de cela l’école de Berne nous cède après cinquante ans d’utilisation sa belle SALLE DES FÊTES. Enfin, l’école a la possibilité de réunir grands et petits, amis, parents, enseignants pour se percevoir mutuellement, voir, écouter, découvrir, admirer lors des FÊTES TRIMESTRIELLES le travail des classes; assister aux activités artistiques diverses, pièces de théâtre, concerts ; fêter les fêtes de l’année; accueillir les nouveaux élèves et professeurs à la rentrée scolaire ; assister aux présentations des chef-d’œuvres des grands de la 12e avant leur départ, chacun devenu capitaine de son propre navire.
Une école Waldorf privée d’une salle des fêtes n’est pas en mesure de vivre cette expérience essentielle — celle de s’imprégner de la force et de la richesse d’une communauté d’école. Nous le pouvons enfin après de longues années de « migration ».

Les soucis, les difficultés de tout ordre n’ont pas manqué au cours de ces 25 années de navigation.
Néanmoins, l’équipage de ce NAVIRE éprouve une immense reconnaissance et joie de pouvoir apprendre chaque jour.
Apprendre les uns des autres, apprendre de la VIE, n’est-ce pas là le sens même de notre biographie ?
La pédagogie Waldorf aimerait contribuer à cette préparation à la vie, à développer la capacité d’apprendre toute sa vie.
Pour que l’envie d’apprendre grandisse et pour que l’enfant se fortifie aussi intérieurement, il faut que le pédagogue connaisse toujours mieux la NATURE HUMAINE et les transformations continuelles (physiques, psychiques et spirituelles) qui s’opèrent de la naissance à l’âge adulte. Cette recherche reste le fondement de la pédagogie inaugurée par Rudolf Steiner que nous essayons de réaliser ici.

Ute-Carola Golka
publié dans la revue «La Vie de l’Ecole» de la St-Michel 2001