Farandole des santons: fresque de David Dellepiane (1866-1932).

Jeudi 22 décembre à 20h la «Pastorale des santons de Provence» sera jouée par les élèves de 3e et de 6e classe dans la Grande salle de Bois Genoud.

Pour introduire ces mystères, voici ce qu’en disent un érudit de l’académie française, Marcel Pagnol, et une élève de la 6e classe, Alicia, qui a ouvert son coeur aux propos d’un mouton, lequel lui a tout raconté!

Du côté de chez Pagnol

«Avant la pastorale, il y a les santons. Ce sont de naïves statuettes d’argile, de très rustiques Tanagras polychromes. Leur petite troupe, chaque année à la Noël, nous donne une représentation immobile et muette de la nativité, dans l’humble décor de la crèche. C’est au début du 18e siècle qu’ils décidèrent de monter sur la scène, pour y jouer la pastorale marseillaise, et chanter les Noëls provençaux. La pastorale, ce n’est pas un texte vénérable et figé pour l’éternité: c’est un canevas qu’il est permis de remodeler chaque année, selon l’humeur et la couleur du temps. La nouvelle version d’Yvan Audouard, enjolivée d’anachronismes et qui fait parfois allusion à des personnages encore vivants, n’est donc pas un sacrilège; il est resté au contraire dans la vraie tradition. Il me semble que ce petit ouvrage populaire caractérise admirablement notre Provence.

Les gens du nord, que nous aimons bien, célèbrent eux aussi sur la scène un mystère chrétien: c’est la passion, la tragédie sacrée du supplice et de la mort de notre Seigneur Jésus Christ, avec des larmes, des épines, du sang.

Nous, nous avons choisi de glorifier sa naissance, avec des chants de joie, des rires et des danses, dans l’allégresse de Noël.

Audouard n’a pas trahi l’esprit de la foi provençale. A travers la comédie, qui va parfois jusqu’à la farce, on sent un sorte de tendresse mystique, que les choeurs viennent ennoblir. A cause de ce petit ouvrage, il lui sera beaucoup pardonné et je me demande si cet Arlésien si peu ascétique ne vient pas de gagner sa part de paradis. »

Marcel Pagnol

Noël raconté par un mouton

C’est l’histoire d’un mouton qui vit dans la bergerie et qui était avec l’âne et le bœuf aux côtés de Marie et de Joseph le jour de Noël. On l’oublie souvent, aussi je vais lui laisser la parole:

«Comme à mon habitude j’étais dans mon coin de la bergerie, prêt à m’endormir. Soudain, on frappa à la porte. C’est bizarre, qui irait frapper à la porte d’une bergerie… Quelques minutes après, j’ai eu la réponse. C’était une belle femme et son mari. Ils demandaient à l’âne et au boeuf s’ils pouvaient rester dormir ici, dans l’étable. J’ai été étonné, je peux vous le dire. Ce n’est pas souvent que des humains voulaient dormir dans une bergerie, là, sur la paille. L’âne et le bœuf ont accepté et l’homme a dit qu’il s’appelait Joseph et que sa femme, Marie, portait l’enfant de Dieu. A minuit pile l’enfant est né. Il était tout petit et si fragile. Dehors, une vive clarté a illuminé le ciel; curieux, je suis sorti pour voir une étoile, l’étoile la plus lumineuse, la plus grande des étoiles que je n’ai jamais vue. je suis rentrée dans la bergerie; quelques heures plus tard, une foule de gens arrivait dans la bergerie.

Il y avait une femme avec des paniers remplis de poissons, un homme avec une fronde et une pierre dans la main, un autre homme avec des sacs remplis de farine, deux jeunes gens qui se tenaient par la main, un aveugle, un berger et son chien, un gendarme, un homme bizarre avec des cheveux noirs en bataille, une dinde à la main, un homme qui gardait les bras en l’air tout le temps, on l’appelait «le ravi». Tous avaient apporté des cadeaux et tous saluaient Marie, Joseph et l’enfant Jésus. Soudain, il y a eu beaucoup de bruit dans la foule et tous les regards se sont tournés vers trois grands hommes, vêtus de somptueux vêtements, portant chacun un présent entre leurs mains. Ils s’approchèrent de l’enfant et de sa mère et le 1er dit, tendant son présent vers Marie:

— Voici de l’encens, Sainte Vierge. Que le ciel te garde, paix sur toi.

Le 2e s’avança et dit:

— Ô Marie, Ô Joseph et toi ô enfant Jésus, voici, venant d’Arabie, la myrrhe. La myrrhe est un parfum très doux et léger. J’espère que vous l’apprécierez. Que la paix soit sur vous.

Le 3e vint s’incliner devant Marie, Joseph et l’enfant et dit:

— Voici le dernier présent que nous vous apportons, c’est de l’or. Que la paix soit sur vous!

— Merci rois mages de ces cadeaux merveilleux. Que la paix soit sur vous, dit Marie.

Je ne vous raconterai pas tout, ce serait trop long. Voici en gros ce qui s’est passé ce soir du 24 décembre de l’an 0. Vous êtes étonnés que je sache tout cela? Figurez vous que les moutons sont des animaux savants!

Bon, je vous laisse, le berger arrive, je dois le suivre. Au revoir.»

Alicia B (6e classe )

Image: farandole des santons, fresque de David Dellepiane (1866-1932).