Huguette Schneider, enseignante d’eurythmie itinérante, vient de clôturer une première période de trois semaines avec les élèves du second cycle de l’École Rudolf Steiner de Lausanne (classes 10, 11 et 12 – des élèves de 15 à 18 ans).

Madame Schneider se réjouit du succès de la présentation du travail des élèves:

Le spectacle du 2 décembre a été un grand succès et les applaudissements enthousiastes ont récompensé le travail, l’engagement et le talent des élèves.

Une deuxième période de trois semaines, programmée au mois de mai 2017, viendra poursuivre et enrichir cette première expérience.

Discussion entre les élèves du second cycle et la professeure d’eurythmie Huguette Schneider

Compte rendu des discussions du mardi 22 nov. 2016 remis aux élèves et aux tuteurs des classes 10, 11 et 12.

Questions

  • Quel est l’intérêt, l’utilité de cette matière :
    • pour moi en tant qu’être humain
    • en quoi cela pourrait-il servir dans mon futur métier ?

Remarques

  • Je ne comprend pas pourquoi nous faisons ce que nous faisons en eurythmie
  • Pourquoi appelle-t-on cela «eurythmie» et pas danse ou quelque chose de ce genre?

Mes réponses

Le sens du mot «eurythmie»

En grec «Eu-rythmos» veut dire: le rythme juste, harmonieux et bien accordé.

Eurythmia désigne les différentes forces agissantes dans la posture humaine, ses possibilités de directions et ses tendances au déploiement.

«La posture idéale» dans l’espace: la sculpture doit traduire l’apesanteur, l’équilibre, Euorgesia (la tranquilité) et Eleutheria (la liberté) comme forces essentielles.

Le corps humain, dans son mouvement, est bousculé de part et d’autre de son centre de gravité. Il retrouve l’équilibre grâce à ses extrémités déployées.

La symétrie et l’eurythmie apparaissent là où existe un «ordre proportionnel» du même type, avec un point central ou une posture centrale et des prolongements qui ordonnent la périphérie et les directions dans l’espace.

A l’intérieur de cet ordre, l’immobilité et le mouvement sont antagonistes: dans le centre d’une ligne ou d’une surface courbes, d’un cercle, d’une sphère, règne la tranquillité. Par contre, dans la périphérie, la ligne ou la surface courbes vont engendrer du mouvement.

C’est cet équilibre entre immobilité et mouvement, mouvement de la périphérie et stabilité du centre, qui est nommé: eurythmie.
Peu de personnes aujourd’hui connaissent réellement le sens de ce mot, c’est pour cela que je préfère  souvent dire: l’art du mouvement, surtout quand je n’ai pas en face de moi des élèves des écoles Steiner.

L’intérêt, l’utilité de cette matière dans la pédagogie Waldorf

  • Savoir tracer une forme dans l’espace, la conduire, s’y repérer, trouver sa place dans un mouvement collectif, permet de trouver aussi sa place dans le monde.
  • Etre en toute conscience en mouvement avec les autres, être à l’écoute du mouvement des autres,  c’est apprendre à répondre aux besoins du monde tout en trouvant sa juste place.
  • Maitriser son propre mouvement au sein du mouvement  des autres veut dire aussi être connecté avec la pensée collective, la pensée du monde, participer avec les autres à la grande sphère des idées et y participer volontairement.

A quoi me sert l’eurythmie en tant qu’être humain?

L’eurythmie met constamment la personne face à ce qu’elle est, dans son intime (mes capacités, mes faiblesses, mes idéaux). Se percevoir n’est pas toujours agréable car il s’agit de s’accepter, de se faire confiance.

L’être humain qui humblement prend le chemin de la connaissance de soi va rencontrer au fil du travail «l’être admirable» qu’il est ou qu’il devient. C’est alors avec plus de facilité et d’enthousiasme qu’il va pouvoir entrer en mouvement et donc en «communication» avec les autres.

En tant qu’élève, je vis dans le cours d’eurythmie une expérience intime et donc très personnelle. Cette espèce de «mise à nu» est souvent difficile à accepter: je cherche en même temps que je deviens. Et je n’ai pas toujours envie de montrer dans quoi je me  débat. Alors, par défense, il arrive que je me moque de moi-même et quelque fois même que je me moque des autres. C’est pour cela qu’il est si important de travailler dans l’écoute et le respect (de soi évidement mais aussi des autres) et de bannir l’ironie destructrice de l’enthousiasme.

A quoi peut me servir l’eurythmie dans mon futur métier, dans ma future vie professionnelle ?

Apprendre à se respecter, faire confiance à la critique objective du professeur et des camarades de classe, connaître ses limites pour les repousser, se fixer des objectifs qui demandent un dépassement de soi, affirmer le « Je suis » en mouvement et en devenir: c’est une somme de guides pour une quête d’idéal. Chaque être humain à le désir profond de s’unir à un idéal.

Le chemin vers le monde adulte est un chemin qui peut inquiéter. Faire constamment l’effort d’entrer en mouvement avec le monde sans s’y sentir bousculé ou impuissant est une tâche difficile. Je suis tous les jours confronté à la volonté et à cette question :

  • Qu’est ce que je veux pour moi ?
  • Le mensonge ou la vérité ?
  • La médiocrité ou la qualité ?
  • L’ennui ou l’enthousiasme ?
  • L’amour du bel ouvrage ou la tâche bâclée ?

Se mettre en mouvement c’est

  • développer des forces qui permettent d’aller de l’avant, de se libérer, s’affranchir de son passé.
  • Être sur le chemin de la conscience de qui l’on est, la conscience des autres, la conscience du monde.
  • Parfaire et élargir mes connaissances
  • Être et penser – être et vouloir – être et aimer sont des attitudes humaines qui ne peuvent pas exister sans moi (aucun ordinateur ne peut accomplir cette tâche).

Ainsi, je suis un être debout, qui sait ce qu’il dit, qui sait ce qu’il fait, qui a un potentiel tangible à offrir et à partager.

Pour finir ce riche échange avec les élèves aujourd’hui, je me permet de citer une phrase de Rudolf Steiner qui justifie la présence de la matière eurythmie, de l’art du mouvement dans la pédagogie Waldorf:

«Le sentiment que nous sommes des êtres libres a sa base organique (ses fondements) dans le mouvement.»

Car nous étions aujourd’hui tous d’accord: l’être humain est constamment en mouvement dans un monde constamment en mouvement.

Mon objectif en tant que professeur d’eurythmie ou professeur des arts du mouvement est de transmettre aux élèves que je rencontre un outil (pédagogique et artistique) pour que le mouvement de chaque élève en interaction avec le mouvement des autres, de l’école et du monde deviennent un outil réel et concret que chacun peut s’approprier selon ses compétences, ses désirs et ses projets.

Merci d’avoir partagé avec moi cette réflexion qui servira à toute la communauté dans laquelle et pour laquelle nous oeuvrons!

Huguette Schneider
www.eurythmie13.fr
Saint Sulpice, 22 novembre 2016

Pour en savoir davantage

Compte rendu du Forum International d’eurythmie à Witten (2014) avec la 11e classe de l’école Michaël de Strasbourg (par Huguette Schneider)

Site d’Huguette Schneider: www.eurythmie13.fr

Pour rappel, cette période d’eurythmie a également donné lieu à un spectacle, vendredi 2 décembre à 20h