Une présentation de l’eurythmie curative et de la manière dont elle est pratiquée à l’école ayant été faite dans la Vie de l’Ecole de Pâques 99, je m’appliquerai plutôt cette fois à apporter quelques éléments de réponse à des questions qui vivent parmi nous:
Pourquoi faire l’eurythmie curative pendant les cours et pas en dehors ?… Si l’enfant sort de la classe, il manque quelque chose, est-ce qu’il pourra « rattraper »?… Ne va-t-il pas se sentir  puni , ou alors  marginalisé par le regard que les autres portent sur lui ?… Peut-on le forcer ?…
Comment « trancher » face à de telles interrogations bien légitimes ?…

Eurythmie curative dans l’horaire scolaire

Il est nécessaire d’aborder les questions précédentes de différents points de vue, mais, au départ, il est important de re-situer l’eurythmie curative à la place que Rudolf Steiner lui a lui-même attribuée, dès la fondation de la première école: intégrée entièrement dans la démarche pédagogique, non pas « en annexe ». Ce qui amène à réaliser que cet apport figure dans le programme scolaire  à la place d’autre chose et non, ajoutée quelque part, après les cours, comme le sont déjà tant d’activités parascolaires ou de loisirs pour nos enfants, et également que ce soit le(s) maître(s) qui en fasse(nt) la demande en premier lieu.

Eurythmie curative au « détriment » du travail scolaire ?

Dans le contexte pédagogique, on constate toujours plus aujourd’hui la nécessité d’individualiser, d’adapter l’enseignement à chaque « personnalité » que compte une classe… chose difficile pour l’enseignant face à un grand groupe. Or cette « individualisation » devient concrète pour l’élève qui, deux à trois fois par semaine (douze fois en tout), a l’occasion de quitter sa classe et travailler des exercices pour lui seul, pendant une trentaine de minutes, avant de retourner se fondre dans le groupe.

Par son engagement dans cette activité thérapeutique appropriée, l’enfant peut gagner des forces. La réalité d’un tel enjeu doit s’imposer clairement dans la conscience de l’adulte – parent, maître – pour que le sacrifice d’un moment de cours ne soit pas vécu comme une frustration par lui-même et par l’élève aussi. Au lieu de l’image d’un « trou », d’une perte, l’absence pendant le cours devrait être vue comme un « espace libre » que l’enfant va remplir en puisant et cultivant des forces en lui-même.

Il est essentiel que l’enseignant puisse accompagner l’élève – voir qu’il part et qu’il revient – en veillant à ce qu’il ne se sente pas abandonné, « pénalisé » quand il réintègre la classe. Peut-être même percevra-t-il, comme l’évoquent certains, une différence subtile: l’élève a « gagné » quelque chose…

En exerçant toujours plus un tel regard sur l’élève, les adultes contribuent à ce qu’autour de lui règne un climat de positivité, de valorisation salutaire au sein d’une classe. Cela ne pose en général pas de problème à l’élève de sortir pendant un cours, un moment de travail, mais cela devient tout différent et très frustrant même, si on intervient pendant un temps de récréation par exemple.

Eurythmie curative en relation avec le rythme de la journée

L’une des tâches principales de l’eurythmie curative à l’école est d’aider les enfants à « habiter » convenablement leur corps physique. Cet engagement représente une sollicitation intense pour l’être psycho-spirituel.

C’est le matin qu’il est le plus favorable de faire appel aux dispositions de l’enfant pour « plonger » dans ce courant d’incarnation. On observe comme les difficultés apparaissent déjà en fin de matinée: baillements, fatigue, éparpillement, besoin de « lâcher-prise ». Pour certains, une sieste est indispensable et l’après-midi est plutôt propice aux jeux, à la détente. Peu à peu le courant s’inverse: c’est « l’expiration » qui, plus tard le soir, permettra l’endormissement. Tenir compte objectivement de cela est important dans le travail avec les jeunes enfants et même avec certains plus âgés.

Motivation des élèves et conclusion

Pour les petits (jardin d’enfants et premières classes) le lien avec la thérapeute est primordial pour réussir à quitter le groupe. Par la suite, la séparation d’avec la classe et son vécu social est parfois douloureuse.
La décision prise par le maître en accord avec les parents devrait cependant rester déterminante pour encourager ou convaincre l’élève.

Enfin, chez les grands, la motivation doit venir de l’élève lui-même, de sa propre volonté. Il est évident que sans consentement libre, l’eurythmie curative est impossible !

Après toutes ces considérations, il me tient à cœur de préciser que, dans la mesure du possible, nous tenons compte de la situation personnelle de chaque enfant pour choisir à quel moment de l’année, de la semaine, de la matinée aura lieu l’eurythmie curative.

Malgré cela, diverses raisons dont certaines évoquées ici peuvent empêcher un élève de bénéficier de l’eurythmie curative pendant la matinée.

Dès janvier 2001, je serai présente deux après-midis par semaine à l’école (lundi et mercredi) pour permettre à des élèves de faire un travail thérapeutique en dehors des heures scolaires.

Aline Leriche
publié dans la revue La Vie de l’Ecole de Noël 2000