Valentin Villard en octobre 2015, copyright Alain Wicht.

Valentin Villard en octobre 2015, copyright Alain Wicht.

La désignation des trois compositeurs de la prochaine Fête des Vignerons 2019 a été officialisée le 29 octobre. Parmi eux figure Valentin Villard, un ancien élève de l’École Rudolf Steiner de Lausanne, qui a poursuivi son chemin dans le domaine de la composition musicale classique contemporaine. Le quotidien La Liberté lui a consacré une pleine page dans son édition du 31 octobre.

Du jardin d’enfants à la douzième, de la Cigale à Bois Genoud

Lorsque l’école Steiner a déménagé des hauts de Lausanne pour s’installer à Morges, elle a conservé son jardin d’enfants, La Cigale, à Vennes. Valentin Villars y a passé trois ans, de 1989 à 1992. Il a ensuite pu rentrer dans la première volée qui a réalisé ses douze classes sur le nouveau site de Bois-Genoud fraîchement aménagé. L’enseignant suivait alors ses élèves pendant huit ans (actuellement six ans) et le jeune Valentin a fréquenté les classes d’Annie Dupraz puis d’Anne-Marie Moussu, avant de vivre ses années d’adolescence sous la tutelle de Sibylle Naïto et d’Alain Klockenbring. Ces deux enseignants accompagnent encore aujourd’hui les plus grands élèves.

En 2004, le futur musicien dédiait son chef d’œuvre (le travail personnel de fin de scolarité, à 18 ans) à la musique de film, écrivant une partition symphonique. Il a ensuite conservé des liens forts avec l’école, travaillant comme pianiste et répétiteur de la chorale des grandes classes de 2003 à 2010 et composant une œuvre pour soprano solo, chœur et orgue, «Cantus Amorifi» op. 38.

Son activité de pianiste pour les cours d’eurythmie, durant deux ans, l’a amené à consacrer son travail de master, réalisé aux Pays-Bas, à l’écriture d’un ballet, «Coronam Luminaria» op. 59, pour quatre percussions et eurythmistes (2012). La pièce a été réalisée pour l’examen, à Amsterdam, avec des élèves des grandes classes de l’école, sous la houlette de la professeure d’eurythmie Thérèse Cuttat. Ensuite le spectacle a été monté à Paris puis à Bois Genoud, en qualité de représentations hors-examens. Ces événements ont remporté un grand succès.

Représentation-examen de "Coronam Luminaria", ballet eurythmique écrit par Valentin Villard, avec des élèves des grandes classes et Thérèse Cuttat, Haitinkzaal du Conservatoire d'Amsterdam, juin 2012.

Représentation-examen de « Coronam Luminaria », ballet eurythmique écrit par Valentin Villard, avec des élèves des grandes classes et Thérèse Cuttat, Haitinkzaal du Conservatoire d’Amsterdam, juin 2012.

Trouver du sens à la vie

Valentin Villard parle de l’école qui a accompagné ses jeunes années avec grand respect. L’anthroposophie n’a jamais été expliquée aux élèves. En revanche, l’exploration d’une voie personnelle et la recherche de sens a été fortement encouragée:

le plus grand remerciement que j’adresse à l’école, c’est celui de nous avoir appris à donner un sens à tout ce que nous faisions. »

Il n’imagine pas écrire de la musique sans réfléchir au sens qui l’imprègne. Ce qu’il compose doit aller quelque part. A la base jaillit naturellement une intuition, à laquelle il s’agit de laisser tout la place nécessaire, toute l’écoute possible. Mais ensuite il faut lui donner un sens.

Une autre éloge qu’il adresse à la pédagogie de Rudolf Steiner est la grande ouverture dont il a bénéficié pendant ses années de formation:

« Quand je suis arrivé dans mon milieu professionnel, j’ai pu consacrer mon énergie à créer, à choisir mon style; je n’ai pas perdu mon temps à contrer ce qui m’aurait été imposé. »

La composition, il la voit comme un mouvement incessant, une recherche constante qui le pousse à se dépasser, à franchir constamment ses propres limites. Ce travail solitaire, qui constitue les neuf dixièmes de son activité professionnelle, il l’enrichit en dirigeant le choeur mixte de Massonnens (450 habitants, 32 chanteurs!) ou l’ensemble vocal féminin Elles-en-C qui s’est produit au Bazar de l’école (marché de Noël). Valentin Villard joue également de l’orgue pour les paroisses de La Roche et Pont-la-Ville (Gruyère) où il habite. C’est un contact social qui le réjouit et qui contraste avec les heures recluses qu’il consacre à la recherche et à l’écriture musicale.

Musique!

La Fête des vignerons, Valentin Villard y a participé avec bonheur en 1999 comme enfant chanteur. Il ne s’attendait pas à y participer en 2019 déjà comme compositeur: depuis un siècle et demi la musique est confiée à des compositeurs mûrs, âgés de cinquante ans au moins. Il n’avait donc même pas songé à présenter sa candidature. Aussi ce sont les concepteurs de la manifestation lui ont proposé une collaboration. D’abord hésitant, il discute de cette possible nomination avec l’un de ses collègues et amis, Michel Hostettler, qui a composé une partie de la musique de la Fête des Vignerons 1999. Valentin se laisse convaincre et accepte avec enthousiasme l’invitation.

Il travaillera avec deux autres musicien à la composition de la musique. Le concepteur de la fête, Daniele Finzi Pasca, s’est également entouré de Maria Bonzanigo, sa complice artistique depuis plus de trente ans, ainsi que d’un autre compositeur vaudois confirmé, Jérôme Berney, batteur et jazzman. L’équipe se partagera l’écriture des airs, marches, mélodies et autres hymnes. M. Villard a déjà des expériences de collaborations avec des musiciens professionnels et amateurs, en Suisse comme à l’étranger, dont la dernière en date à l’occasion des festivités organisées pour le bicentenaire du Valais.

Des artistes, des thérapeutes, mais aussi des scientifiques, juristes et entrepreneurs

Le jeune Valentin, dans la pièce de Joseph Kesselring, "Arsenic et vieilles dentelles" présentée par la huitième classe et mise en scène par Anne-Marie Moussu, au printemps 2000.

Le jeune Valentin, dans la pièce de Joseph Kesselring, « Arsenic et vieilles dentelles » présentée par la huitième classe et mise en scène par Anne-Marie Moussu, au printemps 2000.

L’école Steiner a la réputation de former un grand nombre d’artistes et dans la classe de Valentin, l’art s’est effectivement accroché à plusieurs destins. L’un de ses camarades est devenu l’un des sculpteur sur forge les plus accomplis de sa génération. Comment aurait-il pu trouver sa voie hors d’un cursus qui donne sa chance à tant de formes d’expression, se demande Valentin Villard. Aux côtés du futur compositeur et et du sculpteur en devenir ont grandi un luthier, un comédien, des thérapeutes — ostéopathe et psychologue — et des praticiens de métiers les plus divers — trois géographes, un avocat, un hôtellier, un bottier orthopédiste, une assistante sociale, deux journalistes, et d’autres.

Les artistes ont la réputation de douter beaucoup de leur voie, de se battre constamment pour faire reconnaitre leur travail. Ces préoccupations semblent passer à des lieues de M. Villard. Il vit de son art, accorde sa confiance à ceux qui lui commandent des œuvres, compose des symphonies comme d’autres cuisinent ou fignolent la semelle d’une chaussure. En artisan. Lorsque je lui demande s’il a jamais hésité à embrasser une profession plus classique, il avoue avoir été confronté à un certain vertige au sortir de l’école. Mais aucune peur liée aux incertitudes d’une carrière artistique: pour lui la musique était une évidence. La difficulté c’était de choisir un style alors que toutes les voies s’ouvraient à lui. L’ivresse des possibles, quelle perspective!

C’est de cette liberté que je rêve pour mes enfants, cette assurance que je souhaite à tous les jeunes gens qui entrent dans le monde professionnel.

Merci à monsieur Villard de son témoignage, vive la musique, vive le sens, vive l’éducation!

Article de «La Liberté» paru le 31 octobre 2015 (pdf, 204 ko)

Bibliothèque cantonale universitaire à Lausanne: page de la documentation vaudoise consacrée à Valentin Villard