panneau-absence-marquage_web_adolescenceUne contribution apportée lors de la soirée des parents de la 9e classe

Un aspect important dans la prise de décision concernant la poursuite du cursus scolaire des enfants au sein de l’école Steiner consiste en la connaissance de ce que propose cette pédagogie. Il revient aux enseignants de présenter les différents aspects du travail avec les enfants puis les adolescents au fil des réunions de parents. Avant de parler du travail concret de tous les jours, il s’agit de se rappeler où en est l’enfant ou l’adolescent, en partant chaque fois d’un nouveau point de vue (l’autonomie, les peurs, les capacités cognitives, les changements physiques…) La liste peut être rallongée indéfiniment mais en une dizaine d’années de soirées de parents, beaucoup d’éléments peuvent être abordés!). Prenons cette fois l’ennui comme point de départ.

Une première « vague » d’ennui vers 8-9 ans

Le petit enfant ne connait pas l’ennui – s’il a l’air de s’ennuyer c’est qu’il est dérangé par un manque au niveau de ses besoins physiques ou psychiques: la faim, la fatigue, l’absence d’une présence bienveillante et rassurante d’un adulte ou encore le manque d’éléments vivants dans son environnement peuvent l’empêcher de s’intéresser à tout et de jouer avec ce qu’il trouve. L’ennui ne monte pas de l’intérieur avant que l’enfant ait atteint l’âge de huit ou neuf ans. Parvenu à cet âge, il voit le monde se retirer, se refuser: la nature, les objets ne lui parlent plus, il se sent seul, abandonné dans un espace vide – et cela même s’il est entouré d’une famille aimante.

L’école peut alors devenir une ressource importante: les apprentissages deviennent de plus en plus conscients et une source de joie, l’enfant perçoit confusément qu’il peut, à travers eux, retrouver le lien perdu grâce aux adultes qui lui permettent d’apprendre, d’acquérir des connaissances et surtout des compétences.

14-16 ans: une perte de sens

Une deuxième vague d’ennui saisit l’adolescent entre 14 et 16 ans ­ sans qu’il puisse formuler vraiment les raisons de son mal­-être. Il souffre confusément d’une terrible perte de sens: les paroles, les actes, tout semble vide. En revanche, la seule chose qui lui reste, ce sont les sentiments – ces derniers prennent facilement le dessus sur la pensée (vous avez probablement déjà observé le manque d’objectivité des adolescents), perturbent la parole (qui se hérisse de gros mots et d’expressions toutes faites) et peuvent faire perdre à l’adolescent le contrôle de ses actes. Certains adolescents enferment leurs sentiments en eux-mêmes : ils se retirent, montrent une façade froide, distante, ils peuvent aller jusqu’à accomplir des actes immoraux sans empathie pour leur victime et parfois sans raison.

Autrement dit: la première crise, celle des 9-10 ans est liée à un changement de la perception de l’espace. On pourrait dire que le petit enfant vivait dans un espace rond, sécurisé par les adultes, où tout était familier, proche, vivant. Mais à partir de 8-9 ans, il ne vit pas seulement un agrandissement de l’espace mais un changement de sa qualité. L’espace n’est désormais plus protecteur mais ouvert, immense et l’expérience de la distance y devient réelle, douloureuse.

Et la deuxième crise, celle des 14-16 ans, concerne l’expérience du temps. Là aussi, un changement de qualité est vécu: l’adolescent commence à percevoir peu à peu le temps « linéaire », il se sent livré à un courant qui lui enlève son enfance et tout ce qui semblait aller de soi, ce courant l’emporte vers ce que l’on appelle l’avenir mais cet avenir n’a pas encore de consistance, le lien avec le présent n’est pas visible.

Faire sien le temps (suite au prochain épisode)

En ce qui concerne la tâche de l’école à l’adolescence, il s’agit de voir de quelle façon chaque matière peut contribuer à «apprivoiser», à faire sien le temps – et ce que cela veut dire. Nous en parlerons lors d’autres soirées de parents.

Sibylle Naito
Septembre 2015