Les paysages sont grands et n´ont point de limites
Ils défient la terre et le temps
S´enracinent dans les siècles
Dansent avec le vent.

Ils vivent d´ombre et de lumière,
Voyagent en couleurs dans la main des saisons.

Ils sont de sève dans le souvenir,
Sur leurs pages les dieux tracent le signe d´une passion
Sur les lignes de l´arbre le geste des rivières
Ou celui du chagrin dans la main d´un buisson.

L´or et le cuivre aux verdures cachées
Frappent l´automne la raison de modestes sentiers.

 

Sur la vague figée des collines qui ondoient
Plane une rumeur silencieuse d´embruns et de sable.

Jamais désert ne fut si plein de notre vie
Jamais eau ne coula si claire son destin.

Jamais cendres ne furent si belles
Et si légères à l´ange dont les yeux
Consument les bûches du destin.

 

Grande est la nuit qui nous consumme,
Son âme étincelante a bu les horizons.

Pas une étoile ne se perd dans cette brume
Où torrentielle gronde la passion.

Un souffle d´air chahute les buissons,
Le jardin chante l´eau dans les cailloux.

J’entends les sangliers fouiller la terre du voisin.

Le froid dessine son chemin
De transparence décembre vient

 

Comment dire ton nom s´il en est un
Puisqu´à l´instant où tu affleures mes pensées
Une clairière s´ouvre dans la nuée.

Une clairière, un flottement de soie ou de coton léger
Comme l´écharpe d´un qui, brume aux épaules
S´en va vers l´horizon.

Qu´il parle celui qui éclaire les orages
Et les versants de l´âme d´une seule lumière.

Que les feuilles du chêne traversées de soleil
Chantent sa gloire!

Mais la parole est-elle encore possible
Quand le silence source dans la voix?

 

Ne touche pas le pain avant que le feu ne l´aie saisi
Dans sa chambre nuptiale et sacrée.

Tu détruirais l´enfant au secret de ta faim,
Tu fermerais le blé aux granges de ta nuit.

Tu ferais sur la nue qui semble si lointaine
L´impression fugace d´un pauvre chien.

Ne brise pas l´épaule des collines du jour.
Elles portent mémoire au-delà de l’amour

Ne touche pas le pain avant que le feu ne l’aie saisi
Dans sa chambre nuptiale et sacrée.

 

Parfois j´ai le courage de te laisser surprendre
L´aile de celle qui veille sous l´ombre de mon coeur.

Les paysages prennent une couleur étrange
Où l´éphémère mène au clair mes pensées.

Peuplées sont les garrigues d’ insectes invisibles.
Les sangliers se cachent loin dans la nuit du soleil.

Les routes semblent des laisses délaissées
Bordées de pierres assonnancées.

Sur le grenu friable du calcaire des lueurs tremblent
Selon l´heure du ciel et la pente du terrain.

 

Qui
parlera de toi
si ce n´est celui qui
chaque jour
Se détache des mots
et les voit s´éloigner
Comme des pierres qu´il lance
au ruisseau ?

Lui
qui triture les syllabes glanées du jardin
sur les routes
et dans le bleu du thym.

Lui
qui ne sait plus où est le Nord
même s´il fixe à son âme l´étoile.

Qui
dira ce qui advient de la table à la porte
le temps d’à peine un pas
qu´il faut offrir au geste de la main
avant que ne s´effacent le rythme et la voix?

Qui
sinon celui dont le visage à la couleur du vent
la patience des bûches en décembre ?
Sinon ce coeur ouvert sur le ravin des solitudes
aux combes de son corps de son âme et du temps?

Qui
sinon l’oeïl d’une terre battue de vent
et qui regarde le soleil
comme un enfant?

 

Il y a bien un lieu
où la journée tisse une trâme
entre le paysage et le silence,
un pré sensible,
un lieu d´enfance.

Là fait ombrage la lumière de la pensée.
Le coeur par d´inffables gestes là
répond aux couleurs qui l´épurent.

Lieu sans histoire de bien et d´âme
que ton geste le moindre efface comme cendre
sans perdre flamme.

Mais la présence qui t´éveille alors
à boire trouve éternité.

 

Elle perce parfois
le silence des voix
Une flêche de feu
mais au milieu de quoi ?
L´espace n´est pas
ni le temps sous nos yeux
qui défilent pourtant.

Un horizon peut-être une légende
Un rêve de juillet ou de décembre
Qu´on ne sait retenir ni entendre.

Prête le flanc
à la respiration secrête du sommeil.
Ecoute ce que dit le vent!

 

Elle avance à petit pas
Dans le jardin les pieds mouillés
par l´herbe du matin.
Elle remonte à hauteur d´homme
et penche son visage.

Que chantent les ruisseaux sans qu´on les voit !
Que les oiseaux s´envolent de notre toit !

Elle file une toile de fraiche flûte sur le jour
Au milieu des roseaux impatients d´amour.

 

Combien se sont perdus sur tes chemins ?

Combien virent ton aube au fond de toi
Comme un peu d´encre luire sur leurs doigts ?

Combien laissèrent le silence aux bords des routes
Et ne connurent pas la fierté des chardons?

Se perdre, luire, s’abandonner aux jours
Qui batifolent dans les flaques et nous consument.

Plie jusqu´à terre ta haute brise d´âme
Offre au regard la nuque de ton coeur .

Salue d´un geste bref ce qui s´efface
Comme un ami sur le chemin et passe.